Une nation compacte qui n'est pas une enclave, la France, qui est bordée par deux mers, on peut la vaincre, on peut la blesser grièvement, mais la tuer, l'enfouir, l'anéantir, on ne le peut pas. Vient fatalement tôt ou tard un jour où, renversée, elle se relève.
Qui a raison finit toujours par être le plus fort : ce n'est qu'une question de temps et de patience.
Toute tentative prématurée, loin de faire avancer l'heure, la retarde.
Au lieu de venir au secours des malheureux après l'incendie, pourquoi le gouvernement ne viendrait-il pas avant l'incendie en aide aux indigents en mettant à la disposition des personnes en charge la somme nécessaire pour assurer le toit des familles trop pauvres pour se préserver elles-mêmes du risque d'incendie ?
La misère sera toujours de ce monde si elle n'a jamais pour l'en chasser que la charité. L'impuissance de la charité se démontre par tous les efforts qu'elle a tentés et le peu de résultats qu'elle a obtenus.
La raison nous garde de la susceptibilité ; celle-ci a assez à faire avec la vanité pour qu'il ne lui reste pas le temps de servir deux maîtres à la fois : la vanité et la raison.
Il n'y a que les idées contestées qui avancent et qui mûrissent. D'autres redoutent les objections ; moi, je les appelle.
Dès qu'un risque existe, il vaut mieux lui faire sa part raisonnable que de subir sa loi tyrannique.
Il y a autant de distance entre le plagiat et le progrès qu'il y en a d'un pôle à l'autre.
Toute bonne polémique doit aller au fait ainsi que la flèche va au but.
Les rigueurs inefficaces sont les pires rigueurs : c'est l'arme qui, au lieu de tuer le gibier, éclate entre les mains du chasseur.
Il y a des situations impérieuses contre lesquelles on se débat vainement afin de s'y soustraire.
Il y a des situations piteuses où l'on n'a pas le choix des issues : on se sauve comme on peut.
La liberté individuelle a des limites que la nature lui a assignées ; ne tentez ni de les restreindre ni de les étendre. Telles qu'elles existent, respectez-les.
En toute chose, dès qu'on a franchi la limite, l'on devient seul comptable de sa conduite !
Autorité et mensonge, prestige et mauvaise foi, ce sont là des choses qui s'excluent.
Le plus respectable des sentiments est celui de la fidélité.
Il faut quelques détails pour bien peindre un seul fait.
En France, on fausse tout en voulant allier ce qui s'exclut.
Il est plus facile d'armer les nations que de les désarmer.
Lequel vaut mieux, ou de fermer les yeux, ou de les ouvrir à la clarté de l'évidence ? Si ce n'est pas pour regarder, à quoi sert d'avoir des yeux ?
Le bonheur est moins dépendant des circonstances que du caractère.
En toutes choses, je crois que la précipitation est funeste. J'aime passionnément le mouvement, mais seulement quand il est imprimé sans effort par la réflexion fortement concentrée.
Loin de diminuer la fermeté, l'aménité lui donne du relief.
L'ignorance est aussi impuissante à organiser qu'elle est expéditive à détruire.
Il est de ces lâchetés dont on ne se relève jamais, de si haut qu'on tombe.
Il faut être juste et ne jamais demander à un autre ce que soi-même on ne ferait pas, ce que soi-même on ne devrait pas faire.
Ce qui est juste est toujours opportun.
Laissez l'homme aller selon sa pente naturelle, ce ne sera pas à la liberté qu'elle le conduira, ce sera à l'intolérance. L'homme naît à la fois ignorant et intolérant. Qu'il déclame contre l'intolérance dont il souffre, ou qu'à son tour il exerce l'intolérance dont il a souffert, si l'on y regarde de près et attentivement, on verra qu'il n'est guère moins intolérant dans le premier cas que dans le second.
À quoi bon la force et l'intelligence humaines, si ce n'est pas pour être dépensées ? L'épargne n'y ajoute rien, mauvais capital que la paresse !
L'instruction est à l'homme ce que la charrue est à la terre.
L'instruction est la première de toutes les cultures, car elle est celle de l'homme, la viticulture. Perfectionnons celle-là, et toutes les autres se perfectionneront ensuite d'elles-mêmes.
La patience coûte peu à qui travaille beaucoup.
La pire des tartuferies est celle de l'égoïsme.
La liberté n'est pas la vérité, mais elle est le chemin le plus droit et le plus court qui y mène.
Faire une concession, c'est transiger avec une opinion qu'on regarde comme une erreur, c'est immoler dans sa conscience la raison à la force, c'est agir sans conviction sous le coup de la menace, c'est abjurer avec humilité devant le danger ; c'est, enfin, accorder à regret ce qu'on ne se croit plus assez fort ou ce qu'on ne se sent pas assez vaillant pour refuser.
Qui persécutera sera persécuté ; quiconque prétendra rétablir l'union et la paix par la persécution ne réussira qu'à perpétuer la discorde et la guerre. La paix n'est possible qu'avec la liberté.
Il n'y a de paix durable que celle qui ne s'achète au prix d'aucune faiblesse.
La civilisation et la barbarie s'excluent : la barbarie, c'est la guerre ; la civilisation, c'est la paix.
L'orgueil fait repousser comme mauvaises les meilleures idées.
L'ordre public, c'est ou ce doit être la liberté individuelle garantie par la force collective.
Si l'optimisme est dangereux, c'est surtout en finances, où il prélude par l'imprévoyance et finit par la panique.
L'homme qui renie son opinion par intérêt est un drôle.
L'opinion publique est un corps qui a besoin d'élasticité, autrement ce corps se brise et brise tout avec lui.
L'objection est à l'idée ce que le poids dans la balance est à l'objet qu'il sert à peser. Par la force ou la faiblesse des objections, on juge de la justesse ou de la fausseté des idées.
La France est une nation prodigue et routinière... Nous n'avons pas de scrupules lorsqu'il s'agit de dépenser follement l'argent des contribuables ; nous ne ressentons de craintes que lorsqu'il s'agit de l'employer utilement. C'est, en effet, l'esprit de tous les prodigues qui se ruinent : il n'y a jamais pour eux de placements ni assez sûrs ni assez avantageux !
Ce qu'il faut désormais aux nations, ce sont moins des additions de territoires que des certitudes de débouchés ; or, des débouchés ne se conquièrent pas la baïonnette au bout du fusil: ils se conquièrent en vendant et en transportant à meilleur marché que ses concurrents les produits de son sol ou de son industrie.
Une grande nation n'a que cette seule alternative : Conquérir ou Civiliser.
L'influence d'une grande nation est dans la sagesse de ses lois, la plénitude de ses libertés, l'essor de sa prospérité et l'ordre de ses finances.
Il y a deux dictionnaires : le dictionnaire à l'usage des gens, y compris la plupart des diplomates, qui parlent pour ne rien dire ; et le dictionnaire à l'usage des penseurs, qui parlent pour donner à leur pensée un corps qui la rende saisissable. Rien de plus dangereux que les mots qui ne sont pas réellement des noms. Il n'est pas un seul de ces mots qui n'ait été couvert de sang.