L'expérience du monde ne se compose pas du nombre de choses qu'on a vues, mais du nombre de choses sur lesquelles on a réfléchi. Combien d'hommes, après de grands voyages et une longue vie, n'en sont pas plus avancés !
Lorsqu'un peuple ne sait ni mépriser ni haïr, on le gouverne à coups de pieds au c.. !
Quand on ne désirerait pas l'aisance pour son propre bien-être, on devrait la désirer par vertu. Il faut n'être pas réduit à prendre conseil du besoin.
Vous vous plaignez que chacun n'écoute que son intérêt ; je m'afflige du contraire. Connaître ses vrais intérêts est le commencement de la morale ; agir en conséquence est le complément.
Tenir à un parti pris parce qu'il est pris, c'est opiniâtreté ; y tenir parce qu'il n'y en a pas de meilleur à prendre, c'est fermeté.
Le seul moyen d'inspirer de l'intérêt aux autres hommes, c'est de paraître s'intéresser à eux ; mais ici le semblant n'est-il pas plus difficile que la réalité ; et peut-on paraître s'intéresser aux autres, si véritablement on ne s'y intéresse pas un peu ?
On s'endurcit contre l'indifférence et l'injustice, de même qu'on s'endurcit contre le froid. Mais le froid poussé trop loin cause la mort.
Le jeu, la chasse et l'amour rapprochent les conditions et les égalisent. Cette remarque a déjà été faite ; mais a-t-on remarqué que les amours, la chasse et le jeu égalisent aussi les esprits ? Le but qu'on s'y propose est à la portée des plus médiocres : ils n'y ont aucune infériorité ; les animaux même nous y donnent des leçons.
Une multitude de personnes ne peuvent pas comprendre qu'on soit au-dessus d'une bassesse.
On dirait que le singe n'a été fait que pour humilier l'homme et pour lui rappeler qu'entre lui et les animaux il n'y a que des nuances.
Dans toutes les affaires de ce monde, il faut savoir prendre les hommes comme ils sont ; car si l'on ne voulait jamais les avoir que comme ils devraient être, il faudrait mettre son bonnet de nuit et s'aller coucher.
La fermeté de caractère, quand elle se trouve jointe à la faculté de généraliser, fait les hommes supérieurs. Ceux-là savent penser, et en même temps ils savent agir.
A mesure que l'intelligence grandit, les considérations relatives aux personnes frappent moins et les généralités davantage. Les esprits peu cultivés ne font attention qu'aux individus.
Les femmes aiment par-dessus tout à être amusées. Elles vous tiennent peu de compte de ce que vous faites pour leur utilité ; mais elles sont prodigieusement reconnaissantes des frais que vous faites pour leur plaire.
Tous les gouvernements, sans exception, les mauvais comme les bons, affectent les intentions les plus pures, les plus généreuses, les plus grandes. On fait des dilapidations en parlant d'économie, des guerres en protestant de son amour pour la paix, des spoliations par respect pour la justice, et des actes arbitraires au nom des lois. Aussi, je le vois, vous ne croyez plus à ces belles enseignes. Vous n'entrevoyez aucun moyen de juger de l'honnêteté du pouvoir. Cependant il en est un ; il est même infaillible. Rappelez-vous le vieux proverbe : Dis-moi qui tu hantes, je te dirai qui tu es. Faites-y un léger changement, un mot… Vous n'y êtes pas ? — Non. — Dis-moi qui tu places... Ah ! vous y êtes. Oui, effectivement : Dis-moi qui tu places, et je te dirai qui tu es !
L'amour et l'objet aimé sont tout pour une femme qui aime. Dans un jeu où elles mettent tant du leur, elles exigent beaucoup. Si l'homme qu'elles aiment si bien, avec tant d'abandon, s'occupe de quelque chose qui ne soit pas elles, il est indifférent, il manque de confiance ; c'est un égoïste, un ingrat : on le méprise, on le déteste. Aussi voit-on souvent les hommes embarrassés de l'amour qu'on a pour eux.
Le public est un juge qui n'entend jamais que les avocats d'une seule cause, parce qu'il a la bêtise de laisser à ces avocats le pouvoir d'imposer silence à leurs adversaires.
Il faut toujours se défier de l'entraînement de l'opinion dominante.
Le savant sait d'une chose tout ce qu'on peut en savoir dans son siècle ; l'érudit, tout ce qu'on en savait.
La liberté de la presse est entièrement dans l'intérêt de ceux qui lisent : ce sont eux qu'il s'agit de tromper ou de détromper.
La vertu des honnêtes gens n'est pas niaise, ni résignée ; elle est douce, noble, sereine, mais armée comme Minerve.
C'est une grande sottise dans une nation de ne savoir pas tout bêtement mépriser ce qui est méprisable, et haïr ce qui est haïssable. Un peuple qui ne saurait haïr ni mépriser, serait digne d'être gouverné à coups de pieds au cul.
Dans les desseins méprisables, les moyens odieux font horreur. Si le but est généreux, tout se pardonne. Aussi est-il plus facile de faire le bien que le mal, et bien bêtes sont ceux qui, placés pour le faire, en laissent échapper l'occasion.
On veut être apprécié, mais on n'aime pas a être apprécié tout juste ce qu'on vaut.
La volonté est toujours de travailler le plus possible pour gagner le plus possible.
La fermeté de caractère fait les hommes supérieurs.
Un sot sans prétentions est moitié moins sot qu'un autre.
L'usage est la loi des gens médiocres, comme les proverbes sont la morale du peuple.
Un bon esprit vaut mieux qu'un bel esprit.
Un préjugé ne fausse pas le jugement sur un seul objet, mais sur tous.
On peut définir le vice : Le sacrifice de l'avenir au présent.
Les femmes sont l'alpha et l'oméga, le commencement et la fin.
Les proverbes valent mieux que l'usage.
L'avarice entasse, non pour consommer, mais pour entasser ; c'est un instinct, un besoin honteux.
L'argent n'est bon qu'à être dépensé.
On trouve toujours des motifs de consolation dans les sottises des autres.
La vérité ne se montre pas sans une sorte de pudeur.
Comme la peur est le plus grand supplice des tyrans, le crime le plus irrémissible à leurs yeux est de leur faire peur.
L'expérience du monde ne se compose pas du nombre de choses qu'on a vues, mais du nombre de choses sur lesquelles on a réfléchi : combien d'hommes, après de grands voyages et une longue vie, n'en sont pas plus avancés !
Les seuls amis solides sont ceux qu'on acquiert par des qualités solides ; les autres sont des convives, ou des compagnons, ou des complices.