Certains critiques ressemblent à ces gens qui, toutes les fois qu'ils veulent rire, montrent de vilaines dents.
Chacun en ce siècle a voulu se mêler de toutes choses, et la populace, partageant les ambitions de la philosophie, est venue faire avec les mains ce qu'il faut faire avec la tête.
Les manières sont comme un art ; il y en a de parfaites, de louables et de fautives, mais il n'en est pas d'indifférentes. La science des manières est plus importante au bonheur et à la vertu des hommes qu'on ne croit.
L'esprit est feu, et quand le feu est doux, il attire ; s'il est trop ardent, on le fuit. Alors, il brûle, il blesse, il se fait craindre.
La pudeur sert à paraître plus belle quand on est belle, et à paraître moins laide quand on l'est.
Le pédantisme consiste à parler aux autres de ce qu'on sait et de ce qu'ils ne savent pas, pour leur imposer par là et en faire parade.
Il y a des mots agréables à l'œil comme il y en a d'agréables à l'oreille. Par un heureux mélange des lettres dont ils sont formés ou par l'agrément de ces lettres, car chaque lettre a sa figure.
Il y a deux manières d'être sublime ; on l'est par ses idées ou par ses sentiments.
Les enfants ont plus besoin de modèles que de critiques.
Le beau, c'est l'intelligence rendue sensible.
L'espérance est un emprunt fait au bonheur.
La tendresse est le repos de la passion.
Il y a de la bonne grâce et une sorte d'urbanité à commencer avec les hommes par l'estime et la confiance. Cela prouve, en effet, tout au moins, qu'on a longtemps vécu en bonne compagnie avec les autres et avec soi-même.
La parfaite innocence, c'est la parfaite ignorance.
Il ne faut jamais regretter le temps qui a été nécessaire pour bien faire.
La gaieté clarifie l'esprit, et l'ennui l'embrouille.
Un homme qui ne montre aucun défaut est un sot ou un hypocrite dont il faut se méfier.
Qui ne voit pas en beau, est mauvais peintre, mauvais ami, mauvais amant.
La vieillesse aime le peu, et la jeunesse aime le trop.
La bonne humeur se plaît dans les plaisirs, elle les aime, elle les multiplie et les crée.
Soyez doux et indulgent à tous ; ne le soyez pas à vous-même.
La prudence et le succès, les semailles et la moisson, les vertus et le bonheur se suivent naturellement, mais non indissolublement. L'essence des choses les unit, mais souvent le train du monde les sépare.
Quand on aime, c'est le cœur qui juge.
Dieu a ordonné au temps de consoler les malheureux.
La modération consiste à être ému comme les anges.
Ne montrez pas le revers et l'exergue à ceux qui n'ont pas vu la médaille. Ne parlez pas des défauts des gens de bien à ceux qui ne connaissent ni leur visage, ni leur vie, ni leur mérite.
L'expérience de beaucoup d'opinions donne à l'esprit beaucoup de flexibilité.
L'exemple descend et ne monte pas.
Qui n'a qu'un ton est monotone, et qui est monotone devient ennuyeux.
L'idée naît comme le jour après la nuit, après l'aurore ; l'une éblouit et l'autre éclaire.
La bonne humeur dans l'homme est aux plaisirs ce que la belle imagination est aux beaux-arts : elle s'y plaît, elle les aime, elle les multiplie, elle les crée.
La piété est au cœur ce que la poésie est à l'imagination ce qu'une belle métaphysique est à l'esprit ; elle exerce toute l'étendue de notre sensibilité. C'est un sentiment par lequel l'âme reçoit une telle modification, qu'elle a par lui sa rondeur absolue et toute la perfection dont sa nature est susceptible.
Le vrai bonheur, le seul bonheur, tout le bonheur est dans le bien-être de toute l'âme.
La médisance est le soulagement de la malignité.
La grâce imite la pudeur, comme la politesse imite la bonté.
La politesse aplanit les rides.
Le triomphe des femmes n'est pas de lasser et de vaincre leurs persécuteurs, mais de les amollir et de faire tomber leurs armes.
La faiblesse qui conserve vaut mieux que la force qui détruit.
Qui n'a pas les faiblesses de l'amitié n'en a pas les forces.
On n'est guère malheureux par réflexion.
Les passions sont aux sentiments ce que la pluie est à la rosée.
Le génie commence les beaux ouvrages, mais le travail les achève.
La paix de l'âme vaut mieux que la curiosité, et que toutes les autres ambitions.
On ne peut trouver de poésie nulle part, quand on n'en porte pas en soi.
L'imagination est l'œil de l'âme.
Il n'y a que nos passions et nos pensées qui nous fassent comprendre celles des autres.
Les droits des plus faibles sont la justice.
La beauté touche les sens et le beau touche l'âme.
La familiarité plaît, même sans bonté ; avec la bonté, elle enchante.
Enseigner, c'est apprendre deux fois.
Il y a des indulgences qui sont un déni de justice.
La justice est la vérité en action.
Le courageux a du courage, et le brave aime à le montrer.
La vertu, c'est la santé de l'âme.
Les passions des jeunes gens sont des vices dans la vieillesse.
Le son est au vent ce que la flamme est à la chaleur.
La bonne volonté se nourrit facilement d'espérances.
N'est pas heureux qui ne veut l'être.
Toute naïveté court le risque d'un ridicule, et n'en mérite aucun, car il y a dans toute naïveté, confiance sans réflexion et témoignage d'innocence.
Le ciel ne nous doit que ce qu'il nous donne, et il nous donne souvent ce qu'il ne nous doit pas.
La crainte de Dieu nous est aussi nécessaire pour nous maintenir dans le bien, que la crainte de la mort pour nous retenir dans la vie.
Le courroux de Dieu est d'un moment ; la miséricorde divine est éternelle.
Je voudrais monnayer la sagesse, c'est-à-dire la frapper en maximes, en proverbes, en sentences faciles à retenir et à transmettre. Que ne puis-je décrier et bannir du langage des hommes, comme une monnaie altérée, les mots dont ils abusent et qui les trompent !
Je ne puis faire bien qu'avec lenteur et avec une extrême fatigue. Derrière ma faiblesse il y a de la force ; la faiblesse est dans l'instrument. Derrière la force de beaucoup de gens, il y a de la faiblesse. Elle est dans le cœur, dans la raison, dans le trop peu de franche bonne volonté.
Tout ce qui me parait faux n'existe pas pour moi. C'est pour mon esprit du néant qui ne lui offre aucune prise. Aussi ne saurais-je le combattre ni le réfuter, si ce n'est en l'assimilant à quelque chose d'existant, et en raisonnant par quelque voie de comparaison.
On ne comprend la terre que lorsqu'on a connu le ciel. Sans le monde religieux, le monde sensible offre une énigme désolante.
Tout ce qui est très spirituel, et où l'âme a vraiment part, ramène à Dieu, à la piété. L'âme ne peut se mouvoir, s'éveiller, ouvrir les yeux, sans sentir Dieu. On sent Dieu avec l'âme, comme on sent l'air avec le corps.
On connaît Dieu par la piété, seule modification de notre âme par laquelle il soit mis à notre portée et puisse se montrer à nous.
Mes idées ! c'est la maison pour les loger qui me coûte à bâtir.
Les hommes sont comptables de leurs actions ; mais moi, c'est de mes pensées que j'aurai à rendre compte. Elles ne servent pas seulement de fondement à mon ouvrage, mais à ma vie.
Je voudrais faire passer le sens exquis dans le sens commun, ou rendre commun le sens exquis.
Ce n'est pas ma phrase que je polis, mais mon idée. Je m'arrête jusqu'à ce que la goutte de lumière dont j'ai besoin soit formée et tombe de ma plume.
De certaines parties naissent naturellement trop finies en moi pour que je puisse me dispenser de finir de même tout ce qui doit les accompagner. Je sais trop ce que je vais dire, avant d'écrire.
S'il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c'est moi.
Pourquoi me fatigué-je tant à parler ? C'est que, lorsque je parle, une partie de mes fibres se met en exercice, tandis que l'autre demeure dans l'affaissement ; celle qui agit supporte seule le poids de l'action, dont elle est bientôt accablée ; il y a en même temps distribution inégale de forces et inégale distribution d'activité. De là, fatigue totale, lorsque ce qui était fort est fatigué ; car alors la faiblesse est partout.
Les clartés ordinaires ne me suffisent plus quand le sens des mots n'est pas aussi clair que leur son, c'est-à-dire quand ils n'offrent pas à ma pensée des objets aussi transparents par eux-mêmes que les termes qui les dénomment.
Ah ! si je pouvais m'exprimer par la musique, par la danse, par la peinture, comme je m'exprime par la parole, combien j'aurais d'idées que je n'ai pas, et combien de sentiments qui me seront toujours inconnus !
Le ciel n'a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m'a donné pour éloquence que de beaux mots. Je n'ai de force que pour m'élever, et pour vertu qu'une certaine incorruptibilité.
La révolution a chassé mon esprit du monde réel en me le rendant trop horrible.
La bonté d'autrui me fait autant de plaisir que la mienne.