Aimez tous la vertu, nourrissez-en votre âme.
Je ne puis estimer ces dangereux auteurs, qui de l'honneur en vers infâmes déserteurs, trahissant la vertu sur un papier coupable, aux yeux de leurs lecteurs rendent le vice aimable.
Que votre âme et vos mœurs, peintes dans vos ouvrages, n’offrent jamais de vous que de nobles images.
Tel excelle à rimer qui juge sottement.
Faites choix d'un censeur solide et salutaire, que la raison conduise et le savoir éclaire.
Un fou fait rire et peut nous égayer, mais un froid écrivain ne sait rien qu'ennuyer.
Qui dit froid écrivain dit détestable auteur.
Dans l'art dangereux de rimer et d'écrire, il n'est point de degrés du médiocre au pire.
Le comique, ennemi des soupirs et des pleurs, n'admet point en ses vers de tragiques douleurs.
L'âge viril, plus mûr, inspire un air plus sage, se pousse auprès des Grands, s'intrigue, se ménage, contre les coups du sort songe à se maintenir, et loin dans le présent regarde l'avenir.
Un jeune homme toujours bouillant dans ses caprices, est prompt à recevoir l'impression des vices, est vain dans ses discours, volage en ses désirs, rétif à la censure, et fou dans les plaisirs.
Le temps qui change tout, change aussi nos humeurs : chaque âge a ses plaisirs, son esprit et ses mœurs.
La nature, féconde en bizarres portraits, dans chaque âme est marquée à de différents traits ; un geste la découvre, un rien la fait paraître, mais tout esprit n'a pas des yeux pour la connaître.
Un poème excellent, où tout marche et se suit, n'est pas de ces travaux qu'un caprice produit. Il veut du temps, des soins, et ce pénible ouvrage, jamais d'un écolier ne fut l'apprentissage.
Tous les pompeux amas d'expressions frivoles sont d'un déclamateur amoureux des paroles.
Chaque passion parle un différent langage.
L'esprit n'est point ému de ce qu'il ne croit pas.
Que dans tous vos discours la passion émue aille chercher le cœur, l'échauffe et le remue.
Pour un vain bonheur qui vous a fait rimer, gardez qu'un sot orgueil ne vous vienne enfumer.
N'allez pas, goguenard dangereux, faire Dieu le sujet d'un badinage affreux.
Sachez de l'ami discerner le flatteur : Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue.
Soyez-vous à vous-même un sévère critique.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage. Polissez-le sans cesse et le repolissez ; ajoutez quelquefois, et souvent effacez. C'est peu qu'en un ouvrage où les fautes fourmillent, des traits d'esprit, semés de temps en temps, pétillent.
Hâtez-vous lentement, et sans perdre courage, vingt fois sur le métier remettez votre ouvrage.
Travaillez à loisir, quelque ordre qui vous presse, et ne vous piquez point d'une folle vitesse.
Ce que l'on conçoit bien s'énonce clairement, et les mots pour le dire arrivent aisément.
Tout ce qu'on dit de trop est fade et rebutant, l'esprit rassasié le rejette à l'instant.
La plupart emportés d'une fougue insensée, toujours loin du droit sens vont chercher la pensée.
Quelque sujet qu'on traite, ou plaisant ou sublime, que toujours le bon sens s'accorde avec la rime.
Écoutez tout le monde, assidu consultant : un fat quelquefois ouvre un avis important.
Craignez d'un vain plaisir les trompeuses amorces, et consultez longtemps votre esprit et vos forces.
Au dépens du bon sens, gardez de plaisanter.
La raison pour marcher n'a souvent qu'une voie.
Gardez qu'un sot orgueil ne vous vienne enfumer.
Tout poème est brillant de sa propre beauté.
Ainsi qu'en sots auteurs, notre siècle est fertile en sots admirateurs.
Il est certains esprits dont les sombres pensées sont d'un nuage épais toujours embarrassées.
Que la raison conduise, et le savoir éclaire.
Un sage ami, toujours rigoureux, inflexible, sur vos fautes jamais ne vous laisse paisible.
Aimez qu'on vous conseille, et non pas qu'on vous loue.
Soyez plutôt maçon, si c'est votre talent.
C'est peu d'être poète, il faut être amoureux.
Un sonnet sans défaut vaut seul un long poème.
On peut avec honneur remplir les seconds rangs.
Souvent la peur d'un mal nous conduit dans un pire.
Avant donc que d'écrire, apprenez à penser.
L'ignorance toujours est prête à s'admirer.
Heureux qui dans ses vers, fait d'une voix légère, passer du grave au doux, du plaisant au sévère !
Voulez-vous du public mériter les amours ? Sans cesse en écrivant variez vos discours.
Un beau désordre est un effet de l'art.
Le vrai peut quelquefois n'être pas vraisemblable.
Qui ne sait se borner ne sut jamais écrire.
Tel vous semble applaudir, qui vous raille et vous joue.
Un sot trouve toujours un plus sot qui l'admire.