La déclaration d'amour en poésie.
1 — Les grands classiques sur la déclaration :
Titre : Se voir le plus possible.
Recueil : Les poésies nouvelles (1850)
Se voir le plus possible et s'aimer seulement,
Sans ruse et sans détours, sans honte ni mensonge,
Sans qu'un désir nous trompe, ou qu'un remords nous ronge,
Vivre à deux et donner son cœur à tout moment ;
Respecter sa pensée aussi loin qu'on y plonge,
Faire de son amour un jour au lieu d'un songe,
Et dans cette clarté respirer librement —
Ainsi respirait Laure et chantait son amant.
Vous dont chaque pas touche à la grâce suprême,
C'est vous, la tête en fleurs, qu'on croirait sans souci,
C'est vous qui me disiez qu'il faut aimer ainsi.
Et c'est moi, vieil enfant du doute et du blasphème,
Qui vous écoute, et pense, et vous réponds ceci :
Oui, l'on vit autrement, mais c'est ainsi qu'on aime.
Alfred de Musset (1810-1857)
Titre : À celle que j'aime.
Recueil : Les floraisons matutinales (1897)
Dans ta mémoire immortelle,
Comme dans le reposoir
D'une divine chapelle,
Pour celui qui t'est fidèle,
Garde l'amour et l'espoir.
Garde l'amour qui m'enivre,
L'amour qui nous fait rêver ;
Garde l'espoir qui fait vivre ;
Garde la foi qui délivre,
La foi qui nous doit sauver.
L'espoir, c'est de la lumière,
L'amour, c'est une liqueur,
Et la foi, c'est la prière.
Mets ces trésors, ma très chère,
Au plus profond de ton cœur.
Nérée Beauchemin (1850-1931)
Titre : Chanson de Fortunio.
Recueil : Les poésies nouvelles (1850)
Si vous croyez que je vais dire
Qui j'ose aimer,
Je ne saurais, pour un empire,
Vous la nommer.
Nous allons chanter à la ronde,
Si vous voulez,
Que je l'adore et qu'elle est blonde
Comme les blés.
Je fais ce que sa fantaisie
Veut m'ordonner,
Et je puis, s'il lui faut ma vie,
La lui donner.
Du mal qu'une amour ignorée
Nous fait souffrir,
J'en porte l'âme déchirée
Jusqu'à mourir.
Mais j'aime trop pour que je die
Qui j'ose aimer,
Et je veux mourir pour ma mie
Sans la nommer.
Alfred de Musset (1810-1857)
Titre : J'ai mis ma lèvre à ta coupe.
Recueil : Les chants du crépuscule (1835)
Puisque j'ai mis ma lèvre à ta coupe encor pleine ;
Puisque j'ai dans tes mains posé mon front pâli ;
Puisque j'ai respiré parfois la douce haleine
De ton âme, parfum dans l'ombre enseveli ;
Puisqu'il me fut donné de t'entendre me dire
Les mots où se répand le cœur mystérieux ;
Puisque j'ai vu pleurer, puisque j'ai vu sourire
Ta bouche sur ma bouche et tes yeux sur mes yeux ;
Puisque j'ai vu briller sur ma tête ravie
Un rayon de ton astre, hélas ! voilé toujours ;
Puisque j'ai vu tomber dans l'onde de ma vie
Une feuille de rose arrachée à tes jours ;
Je puis maintenant dire aux rapides années :
- Passez ! passez toujours ! je n'ai plus à vieillir !
Allez-vous-en avec vos fleurs toutes fanées ;
J'ai dans l'âme une fleur que nul ne peut cueillir !
Votre aile en le heurtant ne fera rien répandre
Du vase où je m'abreuve et que j'ai bien rempli.
Mon âme a plus de feu que vous n'avez de cendre !
Mon cœur a plus d'amour que vous n'avez d'oubli !
Victor Hugo (1802-1885)
Titre : Le réveil.
Recueil : Les solitudes (1869)
Si tu m'appartenais (faisons ce rêve étrange !),
Je voudrais avant toi m'éveiller le matin
Pour m'accouder longtemps près de ton sommeil d'ange,
Egal et murmurant comme un ruisseau lointain.
J'irais à pas discrets cueillir de l'églantine,
Et, patient, rempli d'un silence joyeux,
J'entr'ouvrirais tes mains, qui gardent ta poitrine,
Pour y glisser mes fleurs en te baisant les yeux.
Et tes yeux étonnés reconnaîtraient la terre
Dans les choses où Dieu mit le plus de douceur,
Puis tourneraient vers moi leur naissante lumière,
Tout pleins de mon offrande et tout pleins de ton cœur.
Oh ! Comprends ce qu'il souffre et sens bien comme il aime,
Celui qui poserait, au lever du soleil,
Un bouquet, invisible encor, sur ton sein même,
Pour placer ton bonheur plus près de ton réveil !
René Armand François Prudhomme (1839-1907)
Titre : La prière.
Recueil : Les vaines tendresses (1875)
Ah ! Si vous saviez comme on pleure
De vivre seul et sans foyers,
Quelquefois devant ma demeure
Vous passeriez.
Si vous saviez ce que fait naître
Dans l'âme triste un pur regard,
Vous regarderiez ma fenêtre
Comme au hasard.
Si vous saviez quel baume apporte
Au cœur la présence d'un cœur,
Vous vous assoiriez sous ma porte
Comme une sœur.
Si vous saviez que je vous aime,
Surtout si vous saviez comment,
Vous entreriez peut-être même
Tout simplement.
René Armand François Prudhomme (1839-1907)
Titre : C'est mon cœur qui le dit.
Recueil : Foi, espérance et charité (1866)
Quand je vous dis que vous êtes charmante,
Vous semblez rire et douter de ma foi ;
Pourtant ma voix est vraie autant qu'aimante,
Et c'est mon cœur qui le dit avant moi.
Vous n'êtes point de ces beautés coquettes
A qui le temps prendra tous leurs appas,
Qui passeront ainsi que leurs toilettes :
On les admire, mais on ne les aime pas.
Vous n'êtes pas comme ces fleurs pompeuses
Dont la fierté semble insulter chacun,
Qui lèvent haut leurs têtes orgueilleuses,
Riches d'éclat et pauvres de parfum.
Vous vous imitez l'aimable violette
Qui sous sa feuille aime à se retirer ;
Mais que l'on cherche en son humble cachette
Et dont l'odeur est douce à respirer.
Il est en vous une grâce modeste,
Charme caché qu'on trouve avec bonheur.
Je ne sais quoi de simple et de céleste,
Comme un parfum qui s'élève du cœur.
C'est pour cela qu'à jamais je vous aime,
Que ma pensée en tout lieu suit vos pas ;
Et, dites-moi, vous, mon espoir suprême,
Pour tant d'amour ne m'aimerez-vous pas ?
Jean Baptiste Prosper Blanchemain (1816-1879)
Titre : Laisse-moi t'aimer.
Recueil : Foi, espérance et charité (1866)
Ah ! laisse-moi t'aimer, non d'un amour profane,
Mais de cet amour saint, tendre, immatériel,
Qui rend le cœur plus pur, l'âme plus diaphane,
Qui joint la terre au ciel !
Douce communion qui réunit deux âmes,
Comme deux blancs ramiers fendant, d'un même essor,
L'éther qui, sur leurs cols, fait reluire des flammes
Et des paillettes d'or.
Dieu m'a mis dans le cœur une lyre immortelle ;
Quand je me penche en moi je l'entends soupirer ;
Mais il faut une main qui se pose sur elle
Et la fasse vibrer.
Sois cette main savante, ose toucher la lyre,
Pose sur le clavier l'ivoire de tes doigts ;
Elle va s'éveiller en hymnes de délire
Et répondre à ta voix.
N'aimes-tu pas les chants, les doux chants du poète ?
Ne pénètrent-ils pas ton cœur d'un tendre émoi ?
Jette donc un regard sur sa lèvre muette,
Dis-lui : « Chante pour moi ! »
Alors j'aurai pour toi des chansons merveilleuses,
Telles qu'aux nuits de mai, sous le ciel espagnol,
Dans les bois de Grenade, aux roses amoureuses,
Chante le rossignol.
Ma mélodie aura la douceur des louanges
Que modulent en chœur les esprits purs des cieux ;
Je croirai voir passer dans un songe les anges,
En regardant tes yeux.
Ah ! laisse-moi t'aimer, t'aimer avec délice,
De cet amour pieux où l'âme s'épura,
De l'amour qui brûlait Dante pour Béatrice,
Pétrarque pour Laura.
Ah ! laisse-moi t'aimer, et peut-être toi-même
Un jour à ton insu te laisseras charmer :
C'est un amour si pur que celui dont je t'aime !
Ah ! laisse-moi t'aimer !
Jean Baptiste Prosper Blanchemain (1816-1879)
3 — Autres recueils à consulter :