De vous à moi, d'Anne Barratin (1892).
1 — Notre citation favorite d'Anne Barratin :
Il y a des historiens qui marchent dans l'histoire comme dans leur parc, arrachant à droite et à gauche tout ce qui les gêne ; dame Vérité les regarde faire et se couvre mélancoliquement les yeux.Qui était Anne Barratin ? Si vous ne le savez pas, découvrez sa biographie !
2 — Les 106 pensées et citations extraites de De vous à moi :
Les gens qui aiment à se faire craindre sont souvent ceux qui ne pourraient se faire aimer.
Il est de médisants qu'on dirait musiciens, tant ils commencent doucement pour arriver à leur crescendo final.
La tristesse qui agit est une tristesse relativement bien portante.
L'aspect, c'est le premier défi ou la première séduction.
La jolie femme sacrifie son coeur et son esprit à sa figure.
L'amitié est un sentiment mixte : sans chaleur où l'amour règne, sans valeur où la charité domine.
On aime l'incertitude parce qu'elle laisse entrouverte la porte de l'espérance.
Tout ce qui souffre doit appeler d'abord la pitié, la réflexion ensuite.
Il est des têtes faites pour le panache, on le sent flotter au-dessus d'elle.
Les choses commodes se passent souvent de beauté, mais comme on le leur pardonne !
Les plaisirs préparés nous déçoivent comme l'avenir des enfants prodiges.
Le bonheur fait vite peur quand on l'a perdu depuis longtemps, il a en lui du revenant.
L'embarras du choix : un malheur qui n'attendrit personne.
Approche de la ruine avec respect, comme tu approches du vieillard.
Que de gens, dans un discours, rappellent le navire qui s'ensable !
Une jolie taille est plus voluptueuse qu'une belle figure. Les tailles trop minces ont l'air de crier : miséricorde !
Est-ce qu'on prend jamais une femme au mot ? Monsieur, la soumission est sans charme ; il faut la contradiction à l'amour ; dois-je vous l'apprendre ?
Que la vie est lourde ! disait l'aïeule à ses petits-fils ; et eux gambadaient en l'écoutant.
On se méprise à coups de compliments : après tout, pourquoi se battre à coups de hache ?
Il me prend une sorte d'antipathie momentanée pour les gens que je chéris quand je ne peux rien leur offrir.
Dans certaines économies, c'est souvent moins sa bourse qu'on ménage que le principe d'ordre qu'on défend.
On vendrait souvent à bon marché son droit de présence, s'il pouvait se vendre.
Le bonheur de l'homme commence quand il y renonce.
Les querelles d'amour sont des copeaux pour faire repartir le feu.
Soyons reconnaissants aux phrases toutes faites, elles nous sauvent de bien des bêtises.
Jeunes ailes, osez ! vous êtes dans l'âge.
L'inspiration se fait précéder de son atmosphère, puis elle se montre et parle.
Remettre à plus tard, c'est compter sur la générosité d'un tyran, le temps.
Le blanc n'embellit pas l'innocence, l'innocence embellit le blanc.
Le monde est le plus ingrat des maîtres, il n'a pas d'invalides pour ses vieux serviteurs.
La solitude a ses jouissances discrètes et ses sous-bois délicieux.
Les soins, c'est de l'amour qui se partage ; ce sont des caresses discrètes, c'est une partie du culte.
Où l'amour a vécu à l'état de rêve, peut vivre la véritable amitié.
Il y a bien des manières de se réveiller : on rit, on chante, on pleure, on se jette au cou de la vie ou on lui dit : Hélas ! encore !
On ne reste dans le bien qu'en cherchant le mieux.
La gourmandise remplit si bien le gourmand qu'elle le préserve d'autres passions : un seul ami suffit.
Les compensations sont de bonnes grosses filles qui tricotent des bas pour leurs amis.
La tâche du berger serait bien plus dure sans l'amour de ses moutons.
Dans un cœur on hérite toujours de quelqu'un ou de quelque chose.
Les femmes qui ont acheté un titre par le mariage l'ont souvent payé très cher.
L'amour domine la crainte.
La suffisance engraisse son homme.
La bonne humeur et la gaieté changent l'hiver en été.
Les amours tièdes, les haines douces, sont le patrimoine des gens médiocres.
Si les pauvres s'aimaient entre eux, ils ne seraient plus pauvres.
Il y a des gens qui ont toujours besoin de faire une entrée : pauvres gens !
Pour être laide, une femme n'en est pas moins femme.
La délicatesse aime plus à deviner qu'à voir le fond des choses, et n'aime pas à les entendre appeler chacune par son nom.
Mériter est inutile, plaire suffit au courtisan.
L'excès naît vorace, vit vorace, meurt vorace.
Il est des femmes qui ne comprennent leur sexe qu'au moment où la jeunesse meurt.
La vie peut toujours faire pire.
On peut défendre sans aimer, mais on ne peut pas aimer sans défendre.
Que de sottises du cœur viennent de sa fatigue !
La sagesse a fait avec la mesure une alliance éternelle.
L'ivresse du calomniateur est dans les yeux de celui qui l'écoute.
L'opinion qu'on a de soi est celle qui change le moins.
On gâche peu d'imagination à excuser le prochain.
Être bon, ce n'est pas assez, il faut l'être avec bonheur.
La reconnaissance va quelquefois plus loin que l'amour, elle rougit de ses oublis.
Pour tout mérite, il y a des gens qui savent se faire accepter.
Les larmes ont plus de poésie que d'autorité.
Il est difficile de ne pas trop décolleter son esprit quand il est joli.
Comme une femme dans son indifférence, une fleur est quelquefois bien jolie dans sa lassitude.
Les gens méfiants écrivent volontiers au crayon.
La concision est faite de discrétion et de force.
Qu'il faut d'êtres pour remplacer le seul qui manque.
On est toujours de son pays, pas toujours de sa famille.
De toutes les insultes de l'homme au Créateur, l'ennui est une des plus grandes.
On peut avoir la fierté souple comme la taille.
Réussir n'est pas prouver.
Qui ne se croit jolie femme, quand un baiser l'a juré et rejuré ?
Tout conspire contre l'homme faible, si tout n'aide pas l'homme fort.
Les grandes pensées se communiquent en gardant la chaleur qui les a fait naître.
Ce qui se laisse marchander est en train de se vendre.
Les préjugés marchent en troupeaux, comme les bêtes.
D'une femme généreuse, la gloire de ses amis l'illumine.
Joie de vivre, tu as bien des physionomies.
Approchons du ciel comme nous approchons de l'être aimé ; que l'amour domine la crainte.
Ah ! vieillesse ! tes lois sont douces, ta raison d'être est généreuse ; que c'est bon d'oser dire : J'aime, à plein coeur, j'accepte, à pleine poitrine, je me souviens, à pleine mémoire.
Le silence est à l'âme ce que le sommeil est au corps.
J'aime le parfum qui revient, l'étoile qui reparaît, le regret qui recommence, j'aime tous les serviteurs de la fidélité.
L'oubli n'est pas exactement l'ingratitude, mais c'est le terrain sur lequel elle pousse.
Un grand fils aime beaucoup à montrer à sa mère qu'il en sait plus qu'elle.
Qu'il est difficile de faire de son coeur malade un pauvre honteux !
Le bien-être éloigne la vieillesse, ou la rend moins hideuse.
Les larmes ! Dieu les aime sans doute dans certains yeux, car il les en remplit toujours !
La douceur qui succède à la violence n'est souvent qu'une fatigue.
La bonté n'a pas de remords, mais elle a des repentirs.
La jeunesse et la santé, les deux dons qui font le plus d'ingrats.
La vie aime ceux qui ont confiance en elle.
Un bonheur peut être vulgaire sans perdre de son charme.
On peut savoir et être sot, comme avoir une belle voix et mal chanter.
Le présent vit entre deux voleurs, le passé et l'avenir.
Ironie ! l'infidélité à la lèvre, l'homme demande à sa maîtresse la fidélité.
Quand la pitié ne soulage pas, comme elle offense !
Comme on met le ruban sur le cadeau, Dieu a mis le baiser dans la création.
Tout besoin d'aimer peut se tromper d'adresse.
L'amour qui ne prend pas tout n'est pas de l'amour.
L'aveu vient par accès, comme l'odeur par bouffées.
Aimer, c'est voir en beau, sentir en large, juger en grand.
L'esprit a besoin de problèmes, le cœur de secrets.
L'amoureux qui s'enfuit bénit son successeur.
Rougissante et timide, on dirait que l'aurore veut nous faire des aveux.
L'amour sait plaindre, l'amitié sait guérir.
On peut étudier la jeunesse sur les autres, on n'étudie bien la vieillesse que sur soi-même.