La sagesse n'est autre chose qu'un juste choix des moyens propre à nous rendre heureux. La sagesse défend de juger sur de simples apparences, d'ajouter foi à tout ce qu'on entend, de faire tout ce qu'on peut, de dire tout ce qu'on fait, et de dépenser tout ce qu'on a. On trouve pourtant quelquefois de rigides observateurs des premières de ces maximes, qui, par malheur, ont négligé d'observer la dernière.(Les réflexions sur la sagesse publiées en 1652.)
Un homme sans argent est continuellement à l'agonie, l'argent sans homme est une chose morte.
La lésine est la fille aînée de l'avarice, et l'économie, pour peu qu'elle soit outrée, peut passer pour la cadette.
Une belle âme n'est pas toujours hôtesse d'un beau corps ; les agréments de celui-ci sont un piège, où les sots ne manquent jamais de se laisser surprendre, et que les sages mêmes ont quelquefois de la peine à éviter.
Être content de soi-même est la marque certaine d'un mauvais goût.
La céruse et le vermillon remplâtrent le visage des femmes, mais la fortune est de fard de l'homme.
L'éloquence est préférable à tout autre agrément, elle distribue souvent des couronnes de laurier et de myrte.
La familiarité ouvre la porte à l'amour, mais elle la ferme à l'amitié.
L'homme qui fait beaucoup de compliments les pervertit.
C'est un bonheur pour nous qu'il n'y ait rien de parfait sur la terre.
L'effronterie est l'avorton de la hardiesse et ordinairement l'héritage d'une basse naissance. Tous les honnêtes gens l'ont en aversion, et il n'y a que les sots qui lui attribuent une espèce de courage.
L'espérance a la vertu d'encourager ceux qui au milieu des adversités manque de force.
Tant que l'espérance l'accompagne, quelque disgrâce qui puisse arriver, l'homme se soutient.
L'espérance, c'est elle qui fait revivre les esprits les plus abattus.
L'homme est souvent la dupe de ses espérances, et de la connaissance de ceux à qui il a rendu service.
II n'y a qu'une sincère générosité qui sache assaisonner ses bienfaits de tout ce qui peut les rendre précieux.
La vraie libéralité est toujours accompagnée de circonstances propres à la rendre parfaite.
L'abondance a tué plus de gens que l'indigence la plus affreuse n'en a fait mourir.
II n'y a rien qui ressemble mieux à une éponge qu'un homme avare.
La recommandation est souvent plutôt un effet de l'envie de se défaire des gens, qu'une réelle marque de sincère amitié.
Le plus sûr pour vivre heureux est de ne mépriser et de ne désobliger personne, le moindre ennemi peut faire plus de mal que l'ami le plus zélé ne peut faire de bien.
Affronter la mort pour vivre dans l'histoire, c'est payer de sa vie une goutte d'encre.
Il en est de quelques savants, comme de bons livres chargés de tant de poussière, que l'on craint de se salir les mains en y touchant.
Il n'y a pas de lunettes plus fausses que celles d'or.
L'ignorance et l'opiniâtreté se tiennent par la main.
L'opiniâtreté est une qualité de bêtes, de sots et d'enfants.
L'art de se faire valoir l'emporte souvent sur ce qu'on vaut en effet.
L'apparence nous fait prendre aujourd'hui des sentiments d'inclination pour des personnes qui seront demain l'objet de notre aversion.
Lorsqu'on a banni les vices de son cœur, la mort n'a plus rien d'effrayant.
Il y a des mariages dont le contrat semble avoir été minuté par l'enfer.
Un homme qui confie ses secrets à un autre est semblable à celui qui rend les armes et se déclare esclave.
L'homme le plus sage est celui qui de ses propres erreurs apprend à se garder des rechutes.
La fortune est capricieuse ; une première négligence, une inattention, un rien l'irrite souvent, jusqu'au point de ne pardonner jamais à celui qui a eu le malheur de lui déplaire.
L'espérance se divertit à amuser nos désirs, mais à son tour elle sert de jouet aux évènements.
Tout ce qui ne contribue à la tranquillité de l'esprit est indigne de notre tentation.
Le monde se lasse facilement de ceux qui ont commencé à se lasser de lui.
Quelques divertissants que soient les bouffons, ils finissent toujours par nous lasser.
Les suites de la confiance sont plus à craindre que celles de la défiance.
L'arrêt qui nous soumet à la mort n'excepte personne : Le riche, le pauvre, l'imbécile ou l'intellectuel, l'homme ou bien l'enfant sont soumis également à ses lois ; tout âge est de saison pour la mort.
Veux-tu attacher autrui à tes intérêts ? Conte davantage sur les bienfaits qu'il attend de toi, que sur ceux qu'il en a reçus : l'espérance a plus de force sur l'esprit de l'homme que la reconnaissance.
La compassion est une vertu qui ne s'acquière guère que par l'expérience : on la trouve rarement chez ceux qui ignorent ce que sont les soucis, les difficultés, les problèmes, qui font la mauvaise fortune.
L'opulent a le superflu, le riche l'abondance, et le pauvre ne souhaite que le strict nécessaire.
La raison est trop faible pour lutter contre la beauté, l'attirance physique l'emporte toujours.
Il est plus facile de critiquer les défauts d'autrui que de se regarder dans un miroir.
Quand la pauvreté entre par la porte, l'amitié et les considérations en sortent par la fenêtre.
Si le bonheur est si difficile à trouver, c'est que nous sommes trop difficiles en fait de bonheur.
La dispute a la vraisemblance pour principe dans les commencements, l'opiniâtreté dans ses progrès, et l'emportement la termine.
La volonté de faire du bien sans le pouvoir est une vertu, et le pouvoir sans la volonté est un vice.
Quand on trouve son bonheur en soi-même, on fait peu d'estime de celui qui vient d'ailleurs.
Baisser les bras face à l'adversité est la plus grande faiblesse des hommes sans volonté.
Il est des gens dont leur indifférence nous fait plus d'honneur que leurs fausses louanges.
L'homme est rarement ce qu'il laisse paraître, l'intérêt lui fait souvent jouer des rôles contraires.
Un homme sans argent est un corps sans âme, un mort ambulant.
La différence et le peu de solidité des goûts sont une preuve réelle du dérèglement de l'imagination.
Un bienfait qui se fait trop attendre est souvent gâté quand il arrive.
La multitude de livres dans une bibliothèque indique souvent l'ignorance du possesseur.
La lésine est la fille aînée de l'avarice.
Tout vieillard mérite le respect.
Rien dans la nature n'inspire plus de respect qu'un vieillard venérable.
Tout le monde souhaite vivre longtemps, mais personne ne veut passer pour un vieux.
À cinquante ans on commence à se lasser du monde, et à soixante le monde se lasse de vous.
Les femmes font plus souvent que les hommes un mauvais usage de leur esprit ; il est rare d'en trouver qui en soient bien pourvues et qui se fassent conscience de l'employer à la médisance et à la malignité.
Se plaindre de la fortune dans un état de médiocrité est le suprême degré de l'impertinence.
Écoute l'avarice, elle t'enseignera l'art d'être pauvre et misérable au milieu de l'abondance.
Consultez la nature, elle vous apprendra à être content sans richesse.
Les excès ruinent plus de santés que la médecine ne saurait en rétablir.
L'ami le plus dangereux est celui qui nous accable de louanges en public.
Le courage est un des talents qui donne le plus de relief à un homme.
L'honnête homme qui a commis une petite faute se couche l'estomac vide.
II en est des domestiques comme des habits, ils se gâtent par l'usage.
II n'est point d'union plus charmante que celle des paroles avec les actions.
Un excès de confidence est souvent préjudiciable.
L'ambition qui ne se soutient que par la fourberie, se précipite dans l'abîme des disgrâces.
Les crimes auxquels la volupté nous porte sont plus atroces que ceux que la colère occasionne.
Un mystère cesse d'être tel dès le moment qu'on lui ôte l'enveloppe du secret.
Qui estime son argent plus que son honneur est indigne de l'un et de l'autre.
Quiconque à vingt ans ne fait rien, ne travaille pas à trente.
La douceur fait plus que la violence.
Un ami pauvre est souvent à charge, et un riche est rarement de poids.
L'orgueil est à l'égard de nos passions ce qu'un bouffon est dans une compagnie.
La patience est la fille de la nécessité.
La pauvreté n'est pas moins propre à nous conserver que l'abondance à nous perdre.
Passer de la pauvreté à l'opulence c'est seulement changer de misère.
La relation d'un faux ami expose aux dangers à proportion de la confiance qu'on a en lui.
Le jeu, la débauche, la bonne chère forcent la pauvreté d'entrer dans une maison ; l'oisiveté l'attend et la reçoit à la porte ; le luxe et la vanité en chassent la famille, et les envoient à l'hôpital.
Rien ne saurait être au goût du monde s'il n'est assaisonné par la vanité.
La charité de notre siècle est trop paresseuse pour bien remplir les devoirs qui lui font imposés.
Un homme sage ne méprise le conseil de personne.
II n'y a nulle solidité dans la vertu qui n'est pas fondée sur l'humilité.
On réussit souvent mieux avec la queue du renard qu'avec la griffe du lion.
Le rire est la trompette des fous.
La vue est le premier des sens qui se révolte contre la raison.
La religion des grands consiste pour l'ordinaire à servir Dieu, sans désobliger le diable.
Une prospérité trop soutenue rend insipide le bonheur qu'elle nous procure.