Ne prends jamais part aux bruits que sème le vulgaire de crainte de passer pour en être l'auteur. On ne risque rien à se taire, et souvent pour trop parler on cause son malheur.Autre distique de Denys Caton :
Ne censure pas publiquement la conduite d'un homme qui fut longtemps un de tes amis ; bien qu'il ait changé de comportement et d'attitude, souviens-toi toujours aux nœuds qui vous avaient unis.
Veille autant que tu peux ; et fuyant la mollesse, des douceurs du repos n'use que sobrement ; car le trop long sommeil engendre la paresse, qui sert au vice d'aliment.
Si quelqu'un pèche en ta présence, reprends-le ouvertement, bien loin de le flatter : On pourrait croire à ton silence que tu souffres un mal que tu veux imiter.
Cherche dans une femme un esprit sociable, et ne l'épouse pas pour de vils intérêts ; ou si, d'humeur insupportable, elle veut te quitter, ne la retiens jamais.
Ne dissimule point le bien qu'on t'a su faire ; en public nommes-en l'auteur : Celui que tu feras, sois habile à le taire ; fais sentir le bienfait, cache le bienfaiteur.
La première vertu de l'homme raisonnable, est de mettre à sa langue un frein judicieux : Il n'est rien de plus estimable, l'homme qui sait se taire est presque égal aux Dieux.
Pense sans t'effrayer à cette dernière heure, où tu dois terminer ton cours : Trembler de crainte qu'on ne meure, c'est renoncer à vivre et mourir tous les jours.
Une peine d'esprit, un sujet de tristesse, t'oblige à rechercher un salutaire avis : Pense qu'aux maux de cette espèce, les médecins sont les meilleurs amis.
L'oisiveté est la mère de tous les vices.
Fuis tant que tu pourras la dépense inutile ; contente-toi de peu, lorsqu'il faut ménager : Plus le fleuve est petit, plus la barque fragile, vogue sur l'onde sans danger.
Lorsque quelqu'un te jure une amitié fidèle, portant la haine dans le cœur, ne le rebute point ; montre-lui même zèle : L'artifice est permis pour tromper le trompeur.
Oblige promptement dès que tu peux le faire, sans promettre deux fois un bienfait trop vanté ; on passe pour vain d'ordinaire, en faisant trop valoir sa générosité.
Contre la pauvreté le plus sûr des remèdes, est d'user sobrement du bien qu'on t'a laissé : Pour garder ce que tu possèdes, pense à tous les besoins dont l'homme est menacé.
Si tes bienfaits et tes services, n'ont pu te procurer un ami comme il faut : Ne t'en prends point au Ciel l'accusant d'injustices, et ne blâme que ton défaut.
Tu vois que la nature au jour de ta naissance, t'a mis au monde pauvre et dans la nudité : Souffre donc sans impatience, les rigueurs de la pauvreté.
Le présent qu'un ami t'offre en son indigence, quelque petit qu'il soit, reçois-le avec bonté ; et pour premier effet de ta reconnaissance, vante sa libéralité.
La vie étant fragile et peu sûre à tout âge, quelque bonne santé dont tu puisses jouir, ne compte point sur l'héritage, qu'à la mort d'un parent tu pourrais obtenir.
Quand pour toi la fortune est la plus libérale, redoute en ses faveurs quelque revers fatal : Elle change souvent, et sa course inégale commençant bien, peut finir mal.
Ne t'inquiète point lorsque tu verras dire, quelque chose en secret à l'oreille d'autrui : Celui dont la conduite offre le plus à rire, croit toujours qu'on parle de lui.
Lorsque ton souvenir rappelle en ta vieillesse, des faits que tu veux raconter, pense à ce que tu fis dans ta jeunesse, et du bien et du mal tâche de profiter.
Ce qu'on t'aura promis d'un air de certitude ne vas pas le promettre avant de l'obtenir : Combien dans leur parole ont peu d'exactitude ! beaucoup savent promettre, et peu savent tenir.
Aime-toi le premier, ton amitié féconde peut se prêter ensuite en faveur d'un égal ; mais pour faire du bien fais tel choix de ton monde qu'il ne t'en arrive aucun mal.
Avec un grand parleur n'entre point en matière pour l'emporter sur lui tu perdrais ton repos : Tous ont pour la parole un talent ordinaire, mais peu pour parler à propos.
Ne sois pas trop crédule à tout ce que déclame contre tes serviteurs une épouse en courroux : On déplaît souvent à la femme pour avoir le malheur de trop plaire à l'époux.
Cède lorsqu'il convient d'user de complaisance, sache aussi te montrer ferme en tes sentiments : C'est un effet de la prudence de changer quand il faut s'accoutumer au temps.
Si tu veux observer la conduite des hommes déréglés soumis à leurs sens : Avant de les blâmer pense à ce que nous sommes ; pense qu'il n'en est point qui vivent innocents.
D'esprit toujours égal, jamais ne t'abandonne à dire ou faire rien qui soit contraire à toi : Un homme ne saurait s'entendre avec personne qui n'est pas d'accord avec soi.
Aux objets les plus chers, lorsqu'ils peuvent te nuire, renonce avec facilité : L'amour même des biens, pour ne pas nous séduire, doit céder à son tour à notre utilité.
Montre-toi vivement sensible aux bons offices que dans l'occasion quelqu'un t'aura rendus, et n'imite pas ceux près de qui les services, et les plus grands soins sont perdus.
Respecte un sentiment reçu de tout le monde, ne sois pas seul de ton avis : Un esprit orgueilleux qui dans son sens abonde, méprisant le public, attire ses mépris.
N'étant point assuré du temps que tu dois vivre envisage de près le moment du trépas : Comme tu vois ton ombre attachée à te suivre, la mort te suit à chaque pas.
Si la perte des biens te met dans la détresse en ton affliction sois sage et retenu ; mais montre une juste allégresse si tu vois par hasard grossir ton revenu.
Fais de tes revenus un honorable usage ; de l'infâme avarice abhorre les liens : De ton or quel est l'avantage lorsque tu restes pauvre au milieu de tes biens ?
Te voyant opulent dans l'extrême vieillesse qui t'annonce un trépas prochain, à tes meilleurs amis fais part de ta richesse ; et jouis de la vie en attendant la fin.
Si tu veux vivre heureux méprise l'opulence, garde-toi de courir après l'or et l'argent : Au sein même de l'abondance l'avare des mortels est le plus indigent.
N'use jamais de sortilège pour percer les secrets de la Divinité : Celui, dont dépend l'homme, use du privilège de disposer de lui sans qu'il soit consulté.
Tâche en tout de tendre à l'utile ; prends garde que l'erreur n'y glisse son venin : Si le travail est difficile soutiens-le par l'espoir d'un salaire certain.
Ne t'abandonne point à la funeste envie de savoir le moment décisif de ton sort : Quiconque s'accoutume à mépriser la vie voit sans crainte approcher la mort.
N'aime l'argent que pour l'usage, et de son vain éclat ne sois jamais épris : À ce trait on connaît le sage qui pour le métal seul ne sent que du mépris.
Entre tous les défauts les plus dignes de blâme évite l'avarice et fuis la volupté : Un homme passe pour infâme sur ces vices honteux sitôt qu'il est noté.
Ne soutiens jamais par colère quelque fait que ce soit surtout s'il est douteux : La raison vainement t'offrira sa lumière lorsque la passion te fermera les yeux.
Tu crois devoir donner quelque avis salutaire qu'un indocile ami ne veut pas recevoir. Ne te rebute point ; et d'un amour sincère montre-lui toujours son devoir.
Des grands parleurs surtout prends de la défiance ; qui parle beaucoup dit peu de vérité.
Les femmes qui soignent beaucoup leur toilette soignent peu la vertu.