Un type qui a beaucoup de douceur, beaucoup d'onction, une obstination inflexible. Ce sont ces natures à la fois molles et indomptables qui font les grands hérésiarques et les maîtres à penser. Elles sèment le scandale par probité intellectuelle.
Je ne suis pas un polémiste qui s'attaque aux gens. Je ne m'attaque qu'aux idées, aux doctrines, aux philosophies. Si je m'attaque à elles c'est pour leur substituer une philosophie que je juge plus juste, plus saine, plus réelle.
La politique, comme tout le reste, est devenue ennuyeuse. Autrefois, c'était un jeu d'échecs très compliqué, très passionnant, une école du caractère, c'était la fourberie, l'hypocrisie, le pragmatisme, l'implacabilité pour le bon motif, à savoir la raison d'État. Aujourd'hui c'est de l'économie, c'est du social, c'est de l'humanitarisme idiot, de la sensiblerie niaise pour plaire aux masses.
Le suprême bonheur pour moi est une vie dans une baraque à la campagne avec des petites rentes, des journées passées à triturer des phrases, à gueuler des cadences sous la charmille, à regarder la pluie tomber.
Je suis toujours très étonné quand j'entends les politiques expliquer qu'il faut instruire les gens et leur apporter la Culture. Je pense que si on leur demandait pourquoi, ils seraient bien embarrassés. La plupart des gens aujourd'hui se moquent complètement de la Culture, et n'ont aucun désir de s'instruire.
J'admire les gens qui, ayant une décision à annoncer ou une faveur à demander, savent l'enrober dans une sauce de propos étrangers à l'affaire, et la glisser au bon moment, quand l'interlocuteur ne se méfie plus. Si j'ai une chose grave à dire, elle m'occupe l'esprit, elle m'étouffe, il faut que je m'en débarrasse tout de suite. Je suis incapable d'inventer une conversation préliminaire pour masquer ou minimiser mon souci, pour donner l'impression que je l'évoque par raccroc, que pour un peu j'aurais oublié d'en parler.
Les femmes, loin de leur amant, leur imagination se tait, et elles ressentent dans toute son horreur, sans recours, leur abandon. C'est pourquoi les infidélités des femmes sont plus graves que celles des hommes. L'homme infidèle n'oublie pas celle qu'il trompe ; la femme infidèle trompe lorsqu'elle a oublié.
Soyez forts, soyez braves, ayez de l'honneur, ne vous perdez pas en querelles idiotes, choisissez de mourir debout plutôt que de vivre à genoux, méritez la liberté par votre énergie et votre travail.
La tristesse est la marque du diable, la gaieté est celle de Dieu.
Dans ma vie, j'ai toujours eu des tas de tuiles, des tas d'embêtements, des tas de drames, mais je ne jamais perdu ma gaieté. Peut-être est-ce cela, le bonheur, cette chaleur, cette force intérieure qui fait qu'on peut traverser toutes sortes d'abominations sans perdre sa bonne humeur.
Tout est nu sur la terre, hormis l'hypocrisie.
L'imbécile vit dans l'hypocrisie comme le poisson dans la mer. Essayez de l'en tirer, il suffoque, se débat et crie si fort au cynisme que ses frères ameutés accourent à force d'ailerons et vous croquent en deux minutes.
Il en est des idées comme des vêtements, comme des objets, comme de tous les biens : il faut en être économe si l'on veut être riche.
Le plaisir vient comme un voleur. C'est une aubaine ; c'est la vie qui soudain cesse de grimacer et vous sourit. Malheureusement l'homme ne sait jamais la valeur réelle des choses. Il compte pour rien une rencontre dans la rue, suivie d'une conversation charmante, alors que ce souvenir se gravera profondément en lui et resurgira peut-être tout seul au temps de la froide vieillesse. Il compte pour rien une jolie fille qui l'aime à la folie pendant quarante-huit heures. Mais il dépense des fortunes dans des restaurants où il est rassasié après les hors-d'œuvre, il entretient une femme mûre qui est acariâtre et qui le trompe.
La plus jolie fille du monde, si elle n'entre pas dans une de ces trois catégories : les emmerdantes, les emmerdeuses et emmerderesses, n'a guères de chances avec les hommes, même si elle triomphe dans la blanquette de veau et la timbale de rognons. Les hommes ont besoin de distraction et non pas de respect. Or il n'y a qu'un moyen de les distraire, éprouvé depuis le commencement du monde : Les emmerder.
La trahison ne signifie nullement qu'on n'est plus aimé. Peut-être est-elle le dernier stade de l'amour : elle en clôt le cycle.
Il y a des sottes, bien plus qu'on ne croit, qui gâchent leur jeunesse à se faire des contes de fées et qui passent le reste de leur vie à manger du pain sec.
Le journalisme est une bénédiction parce qu'il faut remettre sa copie à l'heure et qu'il y ait le nombre de feuillets voulu. Si la muse est introuvable, tant pis, on doit marcher. Commencer son papier n'importe comment, continuer à l'aveuglette. Et, à la fin, on s'aperçoit avec ravissement que la muse était là quand même, que tout s'est ordonné chemin faisant, que le seul fait de s'y être mis a déclenché le petit miracle de l'écriture.
Le drame des vieillards d'aujourd'hui est que nul n'a besoin d'eux, ce qui les enfonce, les pauvres, dans leur vieillesse et leur solitude.
Les nabots ont une majesté innée que leur vivacité exalte, et dont les personnes de hauteur normale se vengent en prétendant qu'ils rachètent leur nanisme par de l'arrogance.
Le plus bel ornement d'une jeune fille est sa pudeur.
Il faut qu'un père auprès de ses enfants soit une chose pesante, encombrante, qui inspire de la crainte, qui rend la vie simple et heureuse dans la mesure où il ordonne sans cesse.
C’est grâce aux petits exemples qu'on s'élève aux grandes vérités.
On a tous rencontré ce que les élèves rencontrent lorsqu'ils vont à l'école : la vie véritable, c'est-à-dire des gens avec lesquels on est en compétition. Non pas en compétition pour avoir de bonnes notes, mais en compétition pour vivre.
De nos jours, rien n'est plus dangereux que le travail. Il faut être un fainéant pour jouir des avantages de la société actuelle et vivre à peu près gratis. Si j'avais pour deux sous d'intelligence, ou le sens de mon intérêt, j'arriverais à être malade cinq mois par an, je me ferais mettre au chômage judicieusement ; avec les relations que j'ai, je réussirais bien à me faire attribuer quelque petite pension d'invalidité pour avoir raté une marche en montant mon escalier, pension dont le pourcentage grossirait avec le temps, comme de bien entendu !
Le fort en thème sait tout ce qu'il faut savoir. La vraie culture commence au-delà — ou en deçà. Elle porte sur ce qui est inutile, sur ce qui est, d'une certaine façon, folklorique.
On ne vit qu'une fois, et c'est dans la jouissance qu'il faut être le plus audacieux.
J'ai toujours eu le sentiment quand j'écris, même des conneries, que Dieu est derrière moi, qu'il lit par-dessus mon épaule. J'écris pour lui d'abord, il est mon premier lecteur.
Dans les légendes le Diable joue toujours cartes sur table. C'est un compagnon singulièrement honnête. Du plus loin que le regard porte, on le voit arriver avec ses gros sabots. Il a le sourire commercial, une plume de coq au chapeau, une belle cape rouge vermillon et une moustache à la Guillaume II. Impossible de se tromper. Impossible de le prendre pour un autre.
Les Parisiens sont odieux avec leur genre de mépriser le reste du monde et singulièrement la province.
Quand on croit être très malin, on ne fait que des bêtises.
Les définitions sont des flacons bien incommodes ! Tantôt l'essence qu'on prétend y isoler en déborde, et tantôt elle n'en occupe que le fond, où elle ne tarde pas à s'éventer.
Les lâches, les faux braves, ont à cœur de mériter leur décoration.
Qu'elle soit bonne, qu'elle soit mauvaise, cela n'a pas grande importance, la critique se prend au poids — quatre pages d'engueulades valent mieux que trois lignes de louanges.
Il vaut mieux être juste et passer pour injuste que le contraire.
Un mariage d'amour n'est qu'une liaison officielle ayant sur les liaisons clandestines l'inconvénient d'être plus difficile à rompre.
On ne trompe sans danger que les personnes avec qui on fait un mariage d'amour. Pas celles avec qui on a contracté un mariage de convenance. L'amour bafoué pardonne ; les intérêts trahis pardonnent plus difficilement.
Le travail porte en soi-même sa récompense qui est un surcroît de travail.
On ne saurait trop se méfier de ses amis, de ses alliés, de ses frères. Généralement, c'est eux qui vous poignardent.
Les tourments de la jalousie, les chagrins d'amour proviennent de ce que l'on place en autrui le but de ses pensées et de ses sentiments. Tout se passe, quand cette créature vous trompe, comme si elle détruisait le plus précieux de vous.
Un authentique chagrin d'amour enferme en lui-même celui qui l'éprouve ; c'est comme une seconde cristallisation, plus solide que la première, et plus durable car, dans ce domaine, contrairement au proverbe, les absents ont toujours raison. L'être aimé vous eût-il dit adieu à jamais, vous eût-il accablé des plus grandes cruautés, on ne parvient pas à lui être infidèle, on est d'autant plus enchaîné charnellement à lui qu'il est invisible.
La bagatelle, on peut parfaitement s'en passer pendant des mois. La chasteté est bien moins pénible qu'on n'affecte de le dire, surtout les messieurs qui, sur ce chapitre, mentent à qui mieux mieux.
Ce qu'on n'a pas mérité est un cadeau, un sourire du destin.
Les accidents, cela fait partie de la fatalité, du destin, de la Providence, comme tu voudras. La fatalité est bête, mais elle est écrite, et après tout, peut-être que Dieu s'amuse à écrire des bêtises sur son grand livre.
Pour dormir, il faut se vider l'esprit. Si l'on s'efforce de penser, la liaison ordinaire des images empêche la coupure du rêve. Dans un esprit vide, au contraire, les images éclosent sans raison et leur incohérente accumulation communique insensiblement le sommeil. On ne peut se rendormir après quelque interruption qu'en construisant le sommeil par couches autour du petit noyau qui reste dans les yeux.
Il faut flanquer des coups à sa phrase jusqu'à ce qu'elle cesse d'être de mauvaise humeur. Qui aime bien châtie bien. Plus on aime sa phrase, plus on doit être impitoyable.
On ne prête qu'aux riches ! Encore un proverbe idiot. Depuis une trentaine d'années, on n'arrête pas de prêter à fonds perdus au tiers monde.
Il est heureux que les chiens n'aient pas la parole. Ils demanderaient le droit de vote et, qui sait ? S'ils aboyaient très fort, peut-être le leur accorderait-on.
Le temps perdu à bâiller ne se retrouve jamais.
J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon », disait Boileau. Un alexandrin comme celui-là, aujourd'hui, lui vaudrait un procès en diffamation. De la part des chats.
L'homme est moins rare et moins précieux que l'éléphant, et il se reproduit plus vite, mais ce n'est pas une raison suffisante pour le massacrer.
La démocratie est à la monarchie ce que le divorce est au mariage.
La politique est une passion sérieuse comme l'amour, qui prend tout le temps et toutes les forces de celui qui s'y livre.
L'imbécile de notre temps est un imbécile romanesque.
Les myriades d'objets dont s'entourent les hommes sont des myriades de miroirs dans lesquels ils contemplent des morceaux d'eux-mêmes.
Il est plus facile d'être malheureux du malheur d'autrui qu'heureux de son propre bonheur.
Quelle pourrait bien être pour moi la femme idéale ? Un corps privé de pensée !
On s'attache à quelqu'un que l'on rend heureux : on aime le bonheur que l'on donne.
Les vacances sont la préoccupation unique des Français, leur passion, le but ultime de leur vie. Ils ne travaillent onze mois de l'année que pour le douzième, pendant lequel ils se reposeront. Le culte du repos, d'ailleurs, a remplacé celui du travail.
La miséricorde de Dieu est infinie, jusqu'à l'ultime fraction de seconde il peut pardonner.