Les 104 pensées et citations de Philippe Bouvard :
Magistrats : Les juges de la République sont priés de ne pas constituer une république des juges.
Magicien dose : Gentil surnom donné à un médecin, à un infirmier ou à un pompier capable d'immuniser six personnes avec cinq unités.
Livret A : Mauvais placement des bons citoyens.
Insoumission : Rébellion sanctionnée par dix ans de prison mais récompensée par une vingtaine de sièges parlementaires.
Incarcération : Difficile de déterminer s'il manque 15 000 places de prison ou s'il y a 15 000 délinquants en trop. Dans le doute et devant l'impossibilité de l'État de loger tous les malfrats, on pourrait assigner à ces derniers un confinement à domicile aussi strict que celui qui est appliqué pendant plusieurs mois à des millions d'honnêtes gens.
Géolocalisation : Permet de savoir par où est passé un criminel qu'on ne rattrapera jamais.
Gaz de ville : Il ne cesse d'augmenter alors que les gaz lacrymogènes, eux, demeurent gratuits.
Gaminerie : Enfantillage d'adulte.
Galaxies : Univers où nous n'irons jamais mais dont nous parlerons toujours.
Galanterie : Tantôt empressement gracieux des messieurs auprès des dames ; tantôt empressement rétribué de certaines dames envers les messieurs.
Fracture : Oppose des millions de citoyens quand elle est sociale et immobilise quelques dizaines de coureurs cyclistes lorsqu'elle est osseuse.
Échanger : Concerne moins les devises que les propos.
Fraternité : N'est plus présente qu'aux frontons des monuments publics.
Pour bénéficier d'une accélération de notoriété à bord d'un convoi de m'as-tu vu, toutes les directions sont bonnes à condition qu'elles mènent vers un abus, vers un scandale ou vers un problème, de préférence insoluble.
Le journaliste modèle : celui qui aime son métier plus que sa famille, son journal plus que les concurrents et ses confrères, plus que le reste de l'humanité.
Le poil de nez rebelle est à la figure ce que la mauvaise herbe est au jardin à la française.
À certains moments de ma vie, j'avais l'impression d'être déjà mort. À certains instants de ma mort, j'ai l'impression d'être encore vivant. Surtout lorsque me visitent, avec des périodicités différentes, les souvenirs et la famille. Je plains les voisins d'éternité que personne ne vient plus voir sous prétexte qu'il n'y a rien à voir. Moins pour l'abandon des proches qui se sont éloignés, parfois en disparaissant à leur tour, que parce que cette solitude complète les prive de toute notion du temps.
La ruée vers les substances miraculeuses s'accélère. La Dhea, le Viagra et le Cialis ont ressuscité le docteur Faust. Mais la loi ne s'applique pas de la même façon à tous. Le sportif épuisé n'est pas autorisé à se doper alors qu'on encourage à le faire l'amoureux transi.
En dépit des annonces périodiques lancées par les marchands d'ordinateurs, les vieux démons s'accrochent puisqu'on compte encore aujourd'hui moins de bureaux sans papier que de forêts sans arbres.
La grande trouvaille d'une société française condamnée au chômage par le triple effet de la crise de l'énergie, du progrès technique et d'une prospective déficiente : Culpabiliser ceux qui réussissent pour donner bonne conscience aux ratés.
Les signes de crise que nous apporte chaque jour l'actualité ne doivent pas nous faire oublier les marques de confiance qu'elle nous prodigue non moins quotidiennement. À ceci près que ce ne sont pas les rubriques économiques ou sociales qui nous fournissent le plus de raisons d'espérer, mais les rubriques de faits divers.
Un jeune qui nettoie les parebrises des automobiles arrêtées devant un feu rouge fait de sympathiques débuts dans la vie active. Un vieux qui accomplit des gestes identiques rend public un constat d'échec.
J'ai divorcé de mon premier mari, celui dont tu disais : « Comment peux-tu aimer ce pauvre type ? » Tu disais même « cet imbécile » J'aurais dû te croire ! Je te dis cela pour te rassurer sur mon sort. Je lui ai échappé. Voilà.
Grippe : Les médecins prescrivent de plus en plus volontiers l'achat d'inhalateurs qui diffusent une substance ni liquide ni gazeuse, de surcroît dépourvue de toute odeur. Si le ministère de la Santé n'y veillait pas, ce pourrait donc être la transposition de l'escroquerie parfaite dans l'industrie pharmaceutique. Je pense aux boîtes de conserve censées contenir le bon air de Saint-Tropez que, dans les années soixante-dix, on proposait aux touristes.
Les généraux ont cessé d'aller goûter la soupe depuis que les politiciens en ont fait leur plat préféré.
Tout est simulacre en ce monde : la joie, la détresse, l'altruisme, la reproduction.
L'avenir est au piéton homosexuel marchant à gauche et mangeant bio.
Il faudra bien qu'un jour les réseaux sociaux publient l'identité des inconnues réfugiées dans les équations.
La paperasserie et un encadrement de tous les instants en arrivent à gâcher le plaisir d'acheter du consommateur.
Dommage qu'au lieu d'aller laver les insultes sur le pré on n'y sèche plus que le linge.