J'aime goûter pleinement aux petites joies de la vie, je ne crois plus aux grandes.
La société française est composée d'une infinité de groupuscules qui ont en commun un métier, un snobisme, des souvenirs scolaires, un vice, des idées politiques ou des desseins charitables. La grande astuce sociale consiste à évoluer d'un bout à l'autre de la mosaïque et à se faire accepter par plusieurs cellules à la fois.
La vie rêvée des grands rêveurs (menteurs) m'agace. Leurs tartarinades me mettent au supplice. J'ai envie de les prendre par les épaules, de les conduire devant une glace et de leur dire : — Soyez enfin lucides et raisonnables. Vous avez tout raté ou vous n'avez rien fait. Si vous ne modifiez pas votre comportement, si vous continuez à vous raconter des histoires, vous n'arriverez jamais à rien !
Chaque être porte en lui sa réserve de charme dont il use, comme les avions de chasse d'un rideau de fumée, pour protéger ce qu'il ne veut pas qu'on voie.
J'ignore ce que l'avenir me réserve, mais j'aurais mauvaise grâce à me plaindre du passé. Et même d'un présent qui n'a rien changé à mon rythme de vie et de travail, à mes ambitions, à mes amours, à mes enthousiasmes, bref à mon tonus. La belle vie, je la connais puisque ce que l'existence m'a apporté avant soixante-dix-ans, elle ne me l'a pas confisqué après.
Aujourd'hui les taxes d'Etat sont telles que les épiciers, les bouchers et les marchands de primeurs ont perdu toutes leurs qualités de cœur. Ils existent deux méthodes essentielles : la tricherie sur le poids et la tricherie sur le prix.
Aujourd'hui, on ne peut avoir vraiment bonne conscience que dans le malheur. Chaque fois qu'on éprouve un peu de bien-être, on a l'air d'insulter quelqu'un qui est moins bien loti que vous. Chaque fois qu'on mange de bon appétit, on vient vous parler de la famine dans le monde. Quand on est jeune, les vieux vous regardent de travers. Quand on est vieux, les jeunes rient de vous. Le seul confort est donc dans l'au-delà.
Si l'on veut garder intacte sa gentillesse, il faut expectorer au moins une grosse méchanceté par jour.
On a souvent voulu voir dans ma taille la raison de mon agressivité. On se trompe. S'il y a des gens plus grands que moi, il y en a aussi de plus petits. Les plus grands, je ferme les yeux pour ne pas les voir. Les petits, je les toise.
Le jeu n'est-il pas la dernière source du rêve ? Chaque possédé du démon revit à son compte personnel l'histoire de Perrette et de son pot au lait. On s'approche de la table du casino pour gagner une Bentley, et l'on dissipe jusqu'à l'essence qu'on devait mettre dans sa 4 CV.
Mariage : Parce qu'il est la cause principale du divorce, on ne passera pas davantage d'alliances au doigt sans devoir brandir de plus belle les manches à balai et les rouleaux à pâtisserie.
Gestion de crise : Enseigné naguère à l'Ena, cet ensemble de dénis définitifs et de promesses sans lendemain vise à apaiser les colères populaires.
Gendarme (Peur du). Pas seulement le commencement de la sagesse mais aussi la fin de la conscience tranquille.
La liberté, c'est le droit de faire tout ce qui ne rappelle pas aux autres qu'ils ne sont pas libres eux-mêmes.
Pour bénéficier d'une accélération de notoriété à bord d'un convoi de m'as-tu vu, toutes les directions sont bonnes à condition qu'elles mènent vers un abus, vers un scandale ou vers un problème, de préférence insoluble.
Le propre du moraliste est de tenir pour sale tout ce qu'il n'a jamais osé faire.
Le droit de réponse est le plus précieux avantage acquis des politiciens : il leur permet de nier gratuitement les propos qu'ils ont fait paraître, sans bourse délier, la veille.
À certains moments de ma vie, j'avais l'impression d'être déjà mort. À certains instants de ma mort, j'ai l'impression d'être encore vivant. Surtout lorsque me visitent, avec des périodicités différentes, les souvenirs et la famille. Je plains les voisins d'éternité que personne ne vient plus voir sous prétexte qu'il n'y a rien à voir. Moins pour l'abandon des proches qui se sont éloignés, parfois en disparaissant à leur tour, que parce que cette solitude complète les prive de toute notion du temps.
La grande trouvaille d'une société française condamnée au chômage par le triple effet de la crise de l'énergie, du progrès technique et d'une prospective déficiente : Culpabiliser ceux qui réussissent pour donner bonne conscience aux ratés.
Les signes de crise que nous apporte chaque jour l'actualité ne doivent pas nous faire oublier les marques de confiance qu'elle nous prodigue non moins quotidiennement. À ceci près que ce ne sont pas les rubriques économiques ou sociales qui nous fournissent le plus de raisons d'espérer, mais les rubriques de faits divers.
Un jeune qui nettoie les parebrises des automobiles arrêtées devant un feu rouge fait de sympathiques débuts dans la vie active. Un vieux qui accomplit des gestes identiques rend public un constat d'échec.
Le contentement de soi serait plus sympathique s'il n'allait pas de pair avec un mécontentement chronique à l'égard d'autrui.
Il y a des couples qui divorcent et qui se remarient après ! Parfois un remords les étreint.
Si le sommeil ne séparait pas momentanément les couples, il y aurait deux fois plus de divorcés.
J'ai divorcé de mon premier mari, celui dont tu disais : « Comment peux-tu aimer ce pauvre type ? » Tu disais même « cet imbécile » J'aurais dû te croire ! Je te dis cela pour te rassurer sur mon sort. Je lui ai échappé. Voilà.
Les retraités épanouis : Ceux qui ont trouvé enfin dans la liberté de ne rien faire la joie de vivre que les contraintes des années de labeur leur avaient refusée. Ils voyagent énormément, visitent leurs parents en province, lisent, vont au cinéma et au théâtre. Si la retraite n'existait pas, il faudrait l'inventer, rien que pour eux.
Les généraux ont cessé d'aller goûter la soupe depuis que les politiciens en ont fait leur plat préféré.
Le comble de la suffisance intellectuelle est de croire qu'on peut apprendre quelque chose en s'écoutant monologuer.
Les difficultés économiques et l'alourdissement des charges sociales ont instauré une société de débauche.
On ne lâche pas de jeunes couples comme des pigeons voyageurs. Le départ dans l'existence de deux êtres qui viennent de se jurer une fidélité éternelle ne saurait rappeler celui des trains de banlieue aux heures de pointe.
J'aime le paradoxe parce qu'il permet de dire tout, son contraire et n'importe quoi.
Il y a aujourd'hui trop de guerres au pluriel pour qu'on ne regrette pas les combats singuliers.
La paperasserie et un encadrement de tous les instants en arrivent à gâcher le plaisir d'acheter du consommateur.
Il n'y a pas plus méchant dans la vie privée qu'un professionnel de la gentillesse.
Dommage qu'au lieu d'aller laver les insultes sur le pré on n'y sèche plus que le linge.
Il est plus aisé de répondre aux questions des autres qu'à celles qu'on se pose à soi-même.
Anniversaire : Le plus désolant n'est pas d'avoir l'âge qu'on annonce mais de penser qu'on n'aura plus jamais moins et qu'à partir d'un certain âge on dit n'importe quoi sur l'âge.
Le savoir nourrit l'imagination, l'érudition la stérilise.
Les impôts ont été inventés pour que tout le monde n'ait pas envie de réussir.
Quand on prend la parole, il faut bouger la tête pour remuer les idées.
Je ne prends ni la politique ni les politiciens au sérieux et je trouve qu'il y a un tas de moyens beaucoup plus loyaux de s'enrichir — ou tout simplement de vivre — sur le dos d'une collectivité.
Employer des gens qui ne sont plus dans le coup est encore plus grave que de ne plus l'être soi-même.
Qui estime être digne d'une récompense doit faire valoir ses droits.
Savoir-vivre : Hypocrisie déterminée en fonction de chaque circonstance de la vie quotidienne. Vers la fin se prononce savoir-mourir.
La mort m'arrange quand elle permet de se tirer de situations sans issue. Elle me dérange dès lors qu'elle frappe des individus en bonne santé ou qui ne se méfiaient pas d'elle.
Certes, nous sommes tous des condamnés à mort, mais l'être par Dieu et non par les hommes permet d'être chouchouté jusqu'au dernier soupir.
Tout le drame du joueur est là : Quand il perd, c'est le désastre, et quand il gagne, l'argent qui lui brûle les mains disparaît en quelques instants dans les poches malhonnêtes ou dans des achats inutiles. D'un côté, il peut perdre le nécessaire, de l'autre, il n'est même pas capable d'acheter le superflu.
Pour préserver l'essentiel, il faut savoir renoncer à un certain superflu.
Les difficultés économiques et l'alourdissement des charges sociales ont instauré une société de débauche. On ne se félicite plus d'avoir engagé. On se glorifie de limiter ou d'alléger le tableau des effectifs. Le mot « emploi » est devenu le plus hypocrite de la langue française.
Il faut bien l'avouer : Chaque départ à la retraite, chaque démission, chaque décès est désormais ressenti comme une aubaine par ceux qui ont la lourde charge de diriger une entreprise. Tel patron qui n'engagera plus un grouillot ou une arpète est prêt à investir l'équivalent d'un siècle de salaire de cadre supérieur dans l'achat d'une machine qui fera le travail d'un cadre très moyen.