Les définitions sont des flacons bien incommodes ! Tantôt l'essence qu'on prétend y isoler en déborde, et tantôt elle n'en occupe que le fond, où elle ne tarde pas à s'éventer.
Jean Dutourd ; Avec Marcel Schneider (2005)
Les définitions sont des flacons bien incommodes ! Tantôt l'essence qu'on prétend y isoler en déborde, et tantôt elle n'en occupe que le fond, où elle ne tarde pas à s'éventer.
Certaines personnes jouissent du pouvoir de simplification. C'est le fait d'une grande sagesse ou d'un manque complet d'imagination.
Le travail porte en soi-même sa récompense qui est un surcroît de travail.
Il faut feindre d'être jaloux quand on ne l'est pas, et feindre de ne l'être pas quand on l'est.
La littérature est la richesse suprême. Moi qui n'ai jamais assez d'argent pour m'acheter une cravate, si j'ai envie du château de Versailles, je le décris et cela ne me coûte pas un sou. Quelquefois même, cela me rapporte.
Il n'est pas d'écrivain à ma connaissance qui ne cherche un tant soit peu la nouveauté dans son propos ou dans sa manière. C'est le seul moyen de tirer de l'amusement de l'écriture qui est un métier d'enfer. Le plus épais des feuilletonistes, le plus mécanique des fabricants de vaudevilles n'est jamais à l'abri du désir de se renouveler.
Le jargon, qui consiste à remplacer de vieux mots français devenus artistiques à force d'ancienneté par des pédantismes ou des mots étrangers, est un vandalisme de même nature que de recouvrir de peinture caca d'oie des fresques de Raphaël.
Il faut flanquer des coups à sa phrase jusqu'à ce qu'elle cesse d'être de mauvaise humeur. Qui aime bien châtie bien. Plus on aime sa phrase, plus on doit être impitoyable.
La morale est un produit pour pays pauvres et arriérés. Les élites occidentales ont eu une inspiration, elles ont inventé un objet inutile pour les peuples qui ont tout : le bonheur.
L'Histoire est pleine de ganaches travesties en héros, pleine de héros interchangeables.
Il est heureux que les chiens n'aient pas la parole. Ils demanderaient le droit de vote et, qui sait ? S'ils aboyaient très fort, peut-être le leur accorderait-on.
L'humanité infantile dont a accouché la société scientifique et industrielle après la dernière guerre est une chose inédite dans l'histoire de la terre.
Les Français ne deviennent un peuple si méchant (et un si méchant peuple) que parce qu'il y a de moins en moins de travailleurs manuels. Tout le monde est rond-de-cuir. Et le rond-de-cuir est un animal immonde, un atroce petit-bourgeois au sens du XIXe siècle. Quelle tristesse, tous ces honnêtes ouvriers, ces artisans intelligents et heureux qui deviennent de méchantes gens parce qu'ils ne se servent plus de leurs mains !
Les condamnations sans appel sont toujours prononcées au milieu des éclats de rire de l'assistance.
Une des caractéristiques des pharisiens, c'est précisément d'accuser les autres de pharisaïsme.
Les proverbes sont excellents, mais la plupart du temps les mots qui les composent semblent en désordre comme si la tradition orale qui les rapporte avait vacillé. Voici quelques proverbes nouveaux, faits avec les anciens, et qui me semblent aussi vrais qu'eux : le génie n'est qu'une longue impatience ; la pauvreté ne fait pas le bonheur ; la bêtise est la mère de tous les vices ; tout péché n'est pas bon à dire ; qui paie ses dettes n'amasse pas mousse ; mieux vaut faire pitié qu'envie, etc.
J'appelle un chat un chat et Rolet un fripon », disait Boileau. Un alexandrin comme celui-là, aujourd'hui, lui vaudrait un procès en diffamation. De la part des chats.
Quand les tigres sont dehors, c'est encore dans la cage qu'on est le plus en sûreté.
Avoir une attitude très catholique, c'est périodiquement se donner l'absolution et repartir avec le cœur et l'esprit tout neufs.
La démocratie est à la monarchie ce que le divorce est au mariage.
La politique est une passion sérieuse comme l'amour, qui prend tout le temps et toutes les forces de celui qui s'y livre.
L'imbécile de notre temps est un imbécile romanesque.
Les myriades d'objets dont s'entourent les hommes sont des myriades de miroirs dans lesquels ils contemplent des morceaux d'eux-mêmes.
Il est plus facile d'être malheureux du malheur d'autrui qu'heureux de son propre bonheur.
Quelle pourrait bien être pour moi la femme idéale ? Un corps privé de pensée !
On s'attache à quelqu'un que l'on rend heureux : on aime le bonheur que l'on donne.
Il y a toujours assez de temps pour s'ennuyer, c'est pour s'amuser ou travailler qu'on en manque.
L'amour doit avoir pour effet de rapprocher deux personnes, non de les séparer. Et, après qu'il s'est éteint, les inciter à s'entraider, à se rendre des services, à se faciliter mutuellement la vie.
Quand on a beaucoup d'argent, la vie ne présente plus d'obstacles.
L'amour nous entraîne dans des chemins qu'on ne soupçonnait guère et tel se croit dans une comédie de Marivaux quand il est déjà dans une tragédie de Racine.