Les citations célèbres de Paul Léautaud :
Mes écrits m'ont souvent gâté mes amours. Par ce sang-froid toujours gardé, ce manque de « cristallisation », cette faculté d'observation restée intacte. Tant pis ! me suis-je dit chaque fois. Écrire d'abord. J'y sacrifierais l'univers.
Nous avons tous, homme ou femme, notre partenaire pour le plaisir de l'amour. On ne le trouve souvent que tard. Certains ne le trouvent jamais.
Le secret, surcroît de plaisir. Être l'amant d'une femme, être la maîtresse d'un homme, sans que personne s'en doute.
On ne saura jamais combien la timidité peut rendre vertueux, et niais.
Il y a une « cristallisation » physique : une maîtresse absente, dont on est privé, qu'on pare, sous l'effet du désir, de plus de beautés (physiques) qu'elle n'a.
L'amour n'a que faire des qualités morales.
L'avantage du matérialiste en amour, c'est de ne pas donner dans la « cristallisation » et parer celle qu'il aime, sous l'influence de sa passion, de mérites et qualités qu'elle n'a pas. Son jugement reste entier. Il la voit telle qu'elle est. S'il lui vient des déceptions, elles ne seront pas de cet ordre.
Un voisinage mortuaire, une action équivoque partagée, un risque auquel on vient d'échapper, la présence la plus proche de celui qu'on trompe, si c'est le cas, peuvent être des excitants au plaisir.
Je n'ai jamais eu de goût pour l'amour passade ni mis les pieds au bordel.
Quand on fait la cour à une femme, dont le visage vous séduit, il faudrait ne pas voir que son visage. Il faudrait voir sa peau, son ton et la sensation au toucher, connaître son odeur, ses parties pileuses : soyeuses ou rêches, sa conformation sexuelle : maigre ou charnue, confortable ou étriquée, facilement émotive ou lente ou insensible. Tout le plaisir, — et par suite l'amour, — selon les goûts, peut tenir à l'un de ces détails.
Je ne suis pas pour le changement, la nouveauté. Il me faut l'intimité, la liberté physiques les plus grandes. Au contraire de tant d'autres, l'habitude est une condition de mon plaisir. Plus j'ai de souvenirs, d'images de mes plaisirs passés, plus grand est mon plaisir du moment.
L'amour est gai, vif, sans retenue. C'est l'esprit pendant le plaisir, et le rire quand on en sort. Piètres amants, les muets, les graves, les figés, les cérémonieux. Misère d'une partenaire de ce genre.
La jalousie est une affreuse maladie.
C'est une singulière manie qu'ont la plupart des gens de se voir les uns les autres, d'aller faire des visites, d'en recevoir, de se retrouver sans cesse dans tels ou tels endroits, de se faire des protestations de sympathie ou d'amitié, pour échanger des propos niais sur des sujets sans intérêts.
De s'écrire des lettres de six pages — de se téléphoner à propos de rien. Faut-il que ces gens s'ennuient, n'aient rien à faire, ne puissent rien tirer d'eux-mêmes, soient aussi vides d'esprit que de cœur, car aimer tant de gens et se plaire avec tant de gens, c'est, au fond, n'aimer personne et ne se plaire vraiment avec personne.
La trahison est la seconde nature des femmes.
Il y a des moments, trop fréquent, hélas ! où j'aime mieux rêver sur ce que j'ai à écrire ou sur ce que j'écrirais, que d'écrire.
Il y a, dans certaines voix, des nuances, des sortes de déchirures délicieuses, qui éveillent en moi une grande tendresse.
Il faut écrire avec feu — et pour écrire avec feu, il ne faut pas que ce qu'on écrit soit plus ou moins une besogne — et pour que ce ne soit pas plus ou moins une besogne il faut l'écrire dès que l'idée vous en vient, dans la chaleur, l'excitation, la vivacité d'esprit, le plaisir enfin que produit, chez l'écrivain, l'idée de telles ou telles pages.
Comme la vie pèse, quelquefois Et que de fois aussi je l'aurai senti, qu'on ne réussit à la supporter qu'à force de se monter le coup. Seulement, de temps en temps, quelque chose crève, et alors, adieu l'illusion.
J'ai commencé à avoir de l'esprit le jour où j'ai commencé à être moi.
Pour être heureux en amour, il faut être un imbécile.
Ce qui console de vieillir, c'est de voir autour de soi les choses vieillir aussi.
La douceur, la générosité, l'amour valent mieux dans ce monde que la cruauté, la vengeance et la haine.
La cruauté, l'ignominie, la bêtise de la guerre, ne sont que la cruauté, l'ignominie et la bêtise des hommes.
Et dire que depuis des siècles les femmes parlent, sans jamais rien comprendre à ce qu'elles disent.
Chacun est persuadé que ce qu'il fait, un autre ne s'en tirerait pas aussi bien.
J'écris sur l'amour, et j'ai passé la moitié de ma vie à être privé de le faire !
La bonhomie, le naturel, ont des charmes, mais il ne faut pas exagérer.
Dans la vie, ce qui compte uniquement, c'est de n'être pas médiocre.