Les citations célèbres de Philippe Bouvard :
Incarcération : Difficile de déterminer s'il manque 15 000 places de prison ou s'il y a 15 000 délinquants en trop. Dans le doute et devant l'impossibilité de l'État de loger tous les malfrats, on pourrait assigner à ces derniers un confinement à domicile aussi strict que celui qui est appliqué pendant plusieurs mois à des millions d'honnêtes gens.
Géolocalisation : Permet de savoir par où est passé un criminel qu'on ne rattrapera jamais.
Gaz de ville : Il ne cesse d'augmenter alors que les gaz lacrymogènes, eux, demeurent gratuits.
Gaminerie : Enfantillage d'adulte.
Galaxies : Univers où nous n'irons jamais mais dont nous parlerons toujours.
Galanterie : Tantôt empressement gracieux des messieurs auprès des dames ; tantôt empressement rétribué de certaines dames envers les messieurs.
Fracture : Oppose des millions de citoyens quand elle est sociale et immobilise quelques dizaines de coureurs cyclistes lorsqu'elle est osseuse.
Échanger : Concerne moins les devises que les propos.
Fraternité : N'est plus présente qu'aux frontons des monuments publics.
Pour bénéficier d'une accélération de notoriété à bord d'un convoi de m'as-tu vu, toutes les directions sont bonnes à condition qu'elles mènent vers un abus, vers un scandale ou vers un problème, de préférence insoluble.
Le journaliste modèle : celui qui aime son métier plus que sa famille, son journal plus que les concurrents et ses confrères, plus que le reste de l'humanité.
Le poil de nez rebelle est à la figure ce que la mauvaise herbe est au jardin à la française.
À certains moments de ma vie, j'avais l'impression d'être déjà mort. À certains instants de ma mort, j'ai l'impression d'être encore vivant. Surtout lorsque me visitent, avec des périodicités différentes, les souvenirs et la famille. Je plains les voisins d'éternité que personne ne vient plus voir sous prétexte qu'il n'y a rien à voir. Moins pour l'abandon des proches qui se sont éloignés, parfois en disparaissant à leur tour, que parce que cette solitude complète les prive de toute notion du temps.
La ruée vers les substances miraculeuses s'accélère. La Dhea, le Viagra et le Cialis ont ressuscité le docteur Faust. Mais la loi ne s'applique pas de la même façon à tous. Le sportif épuisé n'est pas autorisé à se doper alors qu'on encourage à le faire l'amoureux transi.
En dépit des annonces périodiques lancées par les marchands d'ordinateurs, les vieux démons s'accrochent puisqu'on compte encore aujourd'hui moins de bureaux sans papier que de forêts sans arbres.
La grande trouvaille d'une société française condamnée au chômage par le triple effet de la crise de l'énergie, du progrès technique et d'une prospective déficiente : Culpabiliser ceux qui réussissent pour donner bonne conscience aux ratés.
Les signes de crise que nous apporte chaque jour l'actualité ne doivent pas nous faire oublier les marques de confiance qu'elle nous prodigue non moins quotidiennement. À ceci près que ce ne sont pas les rubriques économiques ou sociales qui nous fournissent le plus de raisons d'espérer, mais les rubriques de faits divers.
Un jeune qui nettoie les parebrises des automobiles arrêtées devant un feu rouge fait de sympathiques débuts dans la vie active. Un vieux qui accomplit des gestes identiques rend public un constat d'échec.
Il y a des couples qui divorcent et qui se remarient après ! Parfois un remords les étreint.
J'ai divorcé de mon premier mari, celui dont tu disais : « Comment peux-tu aimer ce pauvre type ? » Tu disais même « cet imbécile » J'aurais dû te croire ! Je te dis cela pour te rassurer sur mon sort. Je lui ai échappé. Voilà.
Grippe : Les médecins prescrivent de plus en plus volontiers l'achat d'inhalateurs qui diffusent une substance ni liquide ni gazeuse, de surcroît dépourvue de toute odeur. Si le ministère de la Santé n'y veillait pas, ce pourrait donc être la transposition de l'escroquerie parfaite dans l'industrie pharmaceutique. Je pense aux boîtes de conserve censées contenir le bon air de Saint-Tropez que, dans les années soixante-dix, on proposait aux touristes.
Les généraux ont cessé d'aller goûter la soupe depuis que les politiciens en ont fait leur plat préféré.
Tout est simulacre en ce monde : la joie, la détresse, l'altruisme, la reproduction.
L'avenir est au piéton homosexuel marchant à gauche et mangeant bio.
Il faudra bien qu'un jour les réseaux sociaux publient l'identité des inconnues réfugiées dans les équations.
La paperasserie et un encadrement de tous les instants en arrivent à gâcher le plaisir d'acheter du consommateur.
Dommage qu'au lieu d'aller laver les insultes sur le pré on n'y sèche plus que le linge.
Divorce : Son salon se tient – très logiquement – après celui du mariage. Les stands sont occupés par des juristes, des banquiers, des huissiers, des avocats. On cherche en vain un médiateur mais recoller les morceaux ne ferait les affaires de personne.
Penser : Privilège des intellectuels.
Les maladies sont les primaires de la mort.
Je suis un véritable égoïste. C'est dire si je me soucie peu de l'égoïsme des autres.
J'ai beaucoup couru derrière mon sexe. Mais le temps que je le rejoigne, il avait déjà terminé sa petite affaire. Je garde donc peu de souvenirs de ces cavalcades motivées par un instinct de la reproduction, Dieu merci, très rarement efficient.
Sexe : De moins en moins affecté à la reproduction, de plus en plus présent dans les médias. Depuis la promulgation du mariage pour tous, il n'y a plus guère que les couples de castagnettes à avoir besoin d'un mâle et d'une femelle.
Sexualité : Une partie de la sexualité fonctionne selon les lois de l'économie de marché : les uns paient ; les autres se font payer.
Sexologues : Seuls sont considérés comme compétents les spécialistes qui, lorsqu'ils publient un livre, commencent par une introduction.
Tout le drame du joueur est là : Quand il perd, c'est le désastre, et quand il gagne, l'argent qui lui brûle les mains disparaît en quelques instants dans les poches malhonnêtes ou dans des achats inutiles. D'un côté, il peut perdre le nécessaire, de l'autre, il n'est même pas capable d'acheter le superflu.
Je plains ceux qu'on nomme pudiquement les « demandeurs d'emploi non satisfaits ». Surtout les très jeunes, les très vieux et ces « fins de droit » ces chômeurs qu'on pousse peu à peu légalement vers le désespoir. Moi qui n'ai jamais milité pour une autre cause que la mienne, j'accepterais volontiers, si une association d'entraide se créait en vue de faciliter la rencontre entre employés sans emploi et employeurs sans employés, d'y consacrer plusieurs heures par semaine.
Mourir de faim à petit feu est sans doute la plus douce des sorties, surtout pour quelqu'un qui, comme moi, a toujours détesté la nourriture et la place disproportionnée qu'on lui accorde dans la société de consommation.
À partir d'un certain âge, la sexualité devient plus cérébrale : il faut titiller la matière grise si l'on veut obtenir la matière blanche.
Vive les seniors qui continuent à éprouver et à satisfaire des désirs sexuels, qui jouent aux machines à sous, qui se passionnent pour la politique ou pour le sport, qui élèvent la voix, qui savent toujours aimer, se réjouir, détester et se fâcher.
La preuve que la sexualité peut constituer un travail, c'est qu'on dit faire l'amour comme on dit faire le ménage ou faire la vaisselle.
Jumelage : Établit momentanément une égalité entre une petite commune et une mégapole. Facilite les voyages aux frais des collectivités.
Les grosses légumes sont les notables du règne végétal et les légumes oubliés, les SDF des potagers.
Ange : Personnage entièrement dénudé qui réussit paradoxalement à dissimuler son sexe. Est qualifié de gardien lorsque, sur Terre, il a servi dans la police.
En dépit de la traçabilité, la viande est devenue ce qu'il y a de moins tendre à la table familiale.
La rédaction alambiquée de nombreux menus atteste que les restaurateurs sont souvent des poètes sachant cuisiner.
Quand vous vous sustentez, faites plutôt semblant d'écouter que d'essayer de parler. Ça vous dispensera d'expédier un petit pois dans le décolleté de votre voisine.
Mégots : Ils ne symbolisent pas la dangerosité du tabac puisque plus le mégot est long et moins la cigarette a été fumée.
La gastronomie est un monde enchanté où, alors que l'huile est vierge, la salade ne se déplace pas sans ses lardons tandis que le pain rassis n'est pas perdu pour tout le monde.
Le principal miracle du cinéma, c'est de pouvoir raconter en quatre-vingt-dix minutes générique compris toute une vie de malheurs.
Les gens heureux n'ont pas d'histoire. Donc pas de films, pas de romans. Pauvres gens.
Le spectacle consiste en général à reconstituer des vies hors du commun mais tellement douloureuses que le public finira par se féliciter d'avoir une existence moins passionnante.
Impossible de distinguer les amoureux des cinéphiles depuis que les films ne « cassent » plus brutalement pendant la projection.
La parité dans l'entreprise sera un objectif illusoire tant que le travailleur ne disposera pas d'un décolleté et d'une croupe.
Que de contemporains seraient davantage aimés s'ils étaient plus aimables.
Tu verras, la mendicité est infiniment plus propre que la récupération des ordures. Et puis, au lieu d'avoir affaire à des détritus sans âme, tu auras un contact direct avec les hommes, tes frères.
Aujourd'hui le quémandeur fixe lui-même le montant de la générosité qu'il attend. Il ne mendie plus. Il met la société à l'amende en acclimatant une coutume chère au Milieu.
Les marins côtiers savent ce que les play-boys ignorent : c'est dans la drague qu'on touche le plus souvent le fond.
L'immortalité, c'est de se croire immortel tant qu'on n'est pas mort.
Patience : Ne pas confondre celle du félin qui guette sa proie pendant des heures et celle du citoyen-contribuable corvéable à merci qui attend jusqu'à la fin de son existence des jours meilleurs.
Parentèle : Gens qui ont couché ensemble avant qu'on naisse.
Cerveau : Ordinateur sur pattes dont le disque dur se ramollit avec les années.
Bouillie : Nourriture du début de l'existence et de la fin de la vie.
Véhicule : Automobile de série sans charme particulier.
Vedette : Frimeur qui a réussi.
Sexualité : Habitudes et rituels entourant l'acte de reproduction ou ses différentes simulations.
Amour : Moins rapide que la météo : il s'écoule parfois plusieurs mois entre le coup de foudre et les premiers orages. Ce sentiment relève aussi du théâtre : après la scène d'exposition il faut passer à l'acte.
Armement : Ce qui me gêne le plus dans ce commerce, c'est que le vendeur n'est jamais assuré que l'acheteur ne se servira pas contre lui des armes qu'il lui vend au moment du règlement.
Travaux routiers : Jamais finis, rarement motivés. Participent activement au grandiose projet d'une circulation nationale limitée à une seule voie.
Tradition : Prêt-à-penser qui détermine le prêt-à-agir.
Torche-cul : Publication qu'on lit d'un derrière distrait.
Tonsure : Bien que mon existence ne soit pas très monacale, une petite tonsure commence à se dessiner sur un sommet personnel que je croyais à l'abri du vent en raison de sa faible altitude. Et cela me peine de constater que, grâce à d'inopportuns jeux de miroir, je suis plus attaché à mes cheveux qu'ils ne le sont à moi, ces ingrats que j'ai passé tant d'heures à remettre dans le droit chemin.
Tondeuse : Parce qu'elle opère souvent sur une pelouse surchauffée, fait un bruit de canadair.
Tolérance zéro : Remplacement de la notion d'indulgence par le concept d'insupportabilité.
Toise : La taille qu'elle accorde à l'homme le poursuit jusqu'à la fin de sa vie. Ainsi, s'il n'est pas répertorié parmi les grands vieillards, doit-il se contenter d'être un petit vieux.
Toilettes : Ah ! la surprise lorsque, de certains lieux d'aisances publics, où l'on s'obstine à indiquer l'espace dévolu à l'éternel masculin par le symbole d'un gandin en jaquette et haut-de-forme, sort un quidam sacrifiant à la mode d'aujourd'hui !
Titres : Dans la vie comme dans la presse, sont d'autant plus gros qu'ils annoncent peu de choses.
Tête : Partie la moins importante du corps humain puisque la Sécu rembourse peu ou prou tout ce qui a trait aux yeux, aux oreilles et aux dents.
Maladies nosocomiales : Image choc à la télé pour illustrer la lutte renforcée contre celles-ci. Deux infirmières en train de se savonner vigoureusement les mains. Ce n'était donc pas plus compliqué ?
S'il faut manger davantage de légumes pour ne pas en devenir un, comment empêcher les végétaux dont on se nourrit de se transformer en viande ?