Au bord de l'Océan j'aime m'y asseoir le soir.
Titre : Au bord de l'Océan.
Recueil : Les poésies et sonnets d'un voyageur (1844)
Voici le soir. Le vent se lève, La vague monte sur la grève.
À travers l'humide brouillard
On voit passer des flots d'écume ;
Mais sous le nuage et la brume,
Le ciel bleu se cache au regard.
Déjà l'oiseau de la tempête
Sur les rocs nus levant la tête
Pousse un cri sinistre dans l'air.
L'été s'enfuit, et la nature
Sans fleurs, sans fruit et sans verdure,
Revêt son deuil de chaque hiver.
Pourtant sur ces flots sans étoile
On distingue encore une voile.
C'est le hardi pêcheur du Nord
Qui se rapproche de la rive
Et chante d'une voix plaintive
En cherchant à gagner le port.
Salut à toi, ciel couvert d'ombre !
Je t'aime, car mon âme est sombre.
L'œil triste, les cheveux au vent,
Loin des fêtes et loin du monde,
Au bord de l'Océan qui gronde,
J'aime à m'asseoir tout seul rêvant.
Cette mer où plane l'orage,
Ce sol aride, c'est l'image
D'un cœur que la vie a glacé ;
Cette voix qui là-bas soupire,
C'est la voix qui vient lui redire :
Pleure, ton bonheur est passé !
Xavier Marmier (1808-1892)