Toute naïveté court le risque d'un ridicule, et n'en mérite aucun, car il y a dans toute naïveté, confiance sans réflexion et témoignage d'innocence.
Le ciel ne nous doit que ce qu'il nous donne, et il nous donne souvent ce qu'il ne nous doit pas.
La crainte de Dieu nous est aussi nécessaire pour nous maintenir dans le bien, que la crainte de la mort pour nous retenir dans la vie.
Le courroux de Dieu est d'un moment ; la miséricorde divine est éternelle.
Je voudrais monnayer la sagesse, c'est-à-dire la frapper en maximes, en proverbes, en sentences faciles à retenir et à transmettre. Que ne puis-je décrier et bannir du langage des hommes, comme une monnaie altérée, les mots dont ils abusent et qui les trompent !
Je ne puis faire bien qu'avec lenteur et avec une extrême fatigue. Derrière ma faiblesse il y a de la force ; la faiblesse est dans l'instrument. Derrière la force de beaucoup de gens, il y a de la faiblesse. Elle est dans le cœur, dans la raison, dans le trop peu de franche bonne volonté.
Tout ce qui me parait faux n'existe pas pour moi. C'est pour mon esprit du néant qui ne lui offre aucune prise. Aussi ne saurais-je le combattre ni le réfuter, si ce n'est en l'assimilant à quelque chose d'existant, et en raisonnant par quelque voie de comparaison.
On ne comprend la terre que lorsqu'on a connu le ciel. Sans le monde religieux, le monde sensible offre une énigme désolante.
Tout ce qui est très spirituel, et où l'âme a vraiment part, ramène à Dieu, à la piété. L'âme ne peut se mouvoir, s'éveiller, ouvrir les yeux, sans sentir Dieu. On sent Dieu avec l'âme, comme on sent l'air avec le corps.
On connaît Dieu par la piété, seule modification de notre âme par laquelle il soit mis à notre portée et puisse se montrer à nous.
Mes idées ! c'est la maison pour les loger qui me coûte à bâtir.
Les hommes sont comptables de leurs actions ; mais moi, c'est de mes pensées que j'aurai à rendre compte. Elles ne servent pas seulement de fondement à mon ouvrage, mais à ma vie.
Je voudrais faire passer le sens exquis dans le sens commun, ou rendre commun le sens exquis.
Ce n'est pas ma phrase que je polis, mais mon idée. Je m'arrête jusqu'à ce que la goutte de lumière dont j'ai besoin soit formée et tombe de ma plume.
De certaines parties naissent naturellement trop finies en moi pour que je puisse me dispenser de finir de même tout ce qui doit les accompagner. Je sais trop ce que je vais dire, avant d'écrire.
S'il est un homme tourmenté par la maudite ambition de mettre tout un livre dans une page, toute une page dans une phrase, et cette phrase dans un mot, c'est moi.
Pourquoi me fatigué-je tant à parler ? C'est que, lorsque je parle, une partie de mes fibres se met en exercice, tandis que l'autre demeure dans l'affaissement ; celle qui agit supporte seule le poids de l'action, dont elle est bientôt accablée ; il y a en même temps distribution inégale de forces et inégale distribution d'activité. De là, fatigue totale, lorsque ce qui était fort est fatigué ; car alors la faiblesse est partout.
Les clartés ordinaires ne me suffisent plus quand le sens des mots n'est pas aussi clair que leur son, c'est-à-dire quand ils n'offrent pas à ma pensée des objets aussi transparents par eux-mêmes que les termes qui les dénomment.
Ah ! si je pouvais m'exprimer par la musique, par la danse, par la peinture, comme je m'exprime par la parole, combien j'aurais d'idées que je n'ai pas, et combien de sentiments qui me seront toujours inconnus !
Le ciel n'a mis dans mon intelligence que des rayons, et ne m'a donné pour éloquence que de beaux mots. Je n'ai de force que pour m'élever, et pour vertu qu'une certaine incorruptibilité.
La révolution a chassé mon esprit du monde réel en me le rendant trop horrible.
La bonté d'autrui me fait autant de plaisir que la mienne.
J'aime encore mieux ceux qui rendent le vice aimable que ceux qui dégradent la vertu.
Je n'ai jamais appris à parler mal, à injurier et à maudire. J'imite la colombe : souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie. Quand je ramasse des coquillages et que j'y trouve des perles, j'extrais les perles et je jette les coquillages.
Je ne veux ni d'un esprit sans lumière, ni d'un esprit sans bandeau. Il faut savoir bravement s'aveugler pour le bonheur de la vie.
J'ai la tête fort aimante et le cœur têtu. Tout ce que j'admire m'est cher, et tout ce qui m'est cher ne peut me devenir indifférent.
J'ai besoin que les regards de la faveur luisent sur moi. C'est de moi qu'il est vrai de dire : « Qui plaît est roi, qui ne plait plus n'est rien. » Je vais où l'on me désire pour le moins aussi volontiers qu'où je me plais.
J'ai donné mes fleurs et mon fruit : je ne suis plus qu'un tronc retentissant, mais quiconque s'assied à mon ombre et m'entend devient plus sage.
Le prie-Dieu est un meuble indispensable au bon ordre ; où il n'est pas, il n'y a point de pénates, point de respect.
Sans le devoir la vie est morte et désolée, elle ne peut plus se tenir.
Tout ce qui n'a aucun danger n'est digne d'aucune attaque.
La critique est un exercice méthodique du discernement.
Ce qui est ingénieux est bien près d'être vrai.
La civilité est une partie de l'honnête.
Les poètes sont enfants avec beaucoup de grandeur d'âme, et avec une céleste intelligence.
Faites de l'amour des parents un sentiment et un précepte, mais n'en faites jamais une thèse, une simple démonstration.
On sent Dieu avec l'âme comme on sent l'air avec le corps.
Point de liberté, si une volonté forte et puissante n'assure l'ordre convenu.
L'ordre est à l'arrangement ce que l'âme est au corps, ce que l'esprit est à la matière.
La sagesse est la force des faibles.
Ceux qui ne se rétractent jamais s'aiment plus que la vérité.
La malhomie, opposée à la bonhomie.
Qu'est-ce que définir ? C'est décrire, c'est dessiner avec des mots ce que l'esprit seul aperçoit ; c'est donner des extrémités à ce qui n'en a pas pour l'œil ; c'est peindre ce qu'on ne peut voir ; c'est circonscrire en un espace qui n'a pas de réalité un objet qui n'a pas de corps. Et qu'est-ce que bien définir ? C'est représenter nettement l'idée que tous les esprits se font en eux et malgré eux de l'objet dont on veut parler, quand ils y pensent au hasard.
Le bon goût est nécessaire à la moitié de la morale, car il règle les bienséances.
L'illusion et la sagesse réunies sont le charme de la vie et de l'art.
La crédulité est l'indice d'un bon naturel.
Braver toujours les bienséances est d'une âme abjecte ou corrompue ; en être esclave dans toutes les occasions est d'une âme petite. Le devoir et les bienséances ne sont pas toujours d'accord.
La religion défend de croire au delà de ce qu'elle enseigne.
La religion n'est ni une théologie, ni une théosophie ; elle est plus que tout cela : Une discipline, une loi, un joug, un indissoluble engagement.
La religion est la poésie du cœur ; elle a des enchantements utiles à nos mœurs, elle nous donne et le bonheur et la vertu.
L'incrédulité n'est qu'une manière d'être de l'esprit, mais l'impiété est un véritable vice du cœur. Il entre dans ce sentiment de l'horreur pour ce qui est divin, du dédain pour les hommes, et du mépris pour l'aimable simplicité.
L'aménité, le bon accueil sont un billet d'invitation qui circule toute l'année.
Dieu n'a pas seulement mis dans l'homme l'amour de soi, mais aussi l'amour des autres. Le pourquoi de la plupart de nos qualités, c'est qu'on est bon, c'est qu'on est homme, c'est qu'on est l'ouvrage de Dieu.
La vieillesse est amie de l'ordre, par cela même qu'elle est amie du repos. Elle aime l'arrangement au tour d'elle, comme un moyen de commodité, comme épargnant la peine, et facilitant les souvenirs.
Les vieillards robustes ont seuls la dignité de la vieillesse, et il ne sied qu'à eux de parler de leur âge. La vieillesse est en eux dans sa beauté, on l'y aime. Les délicats doivent faire oublier la leur, et l'oublier eux-mêmes ; il ne leur est permis de parler que de leur débilité.
La sagesse philosophique des jeunes gens est toujours folle par quelque point. Comment, dans les troubles de l'âge, garderait-on l'équilibre de la raison ? Comment aurait-on une raison droite, quand le cœur a tant de penchants, et le sang tant de turbulence et de fougue ?
La jeunesse aime toutes les sortes d'imitations, mais l'âge mûr les veut choisies, et la vieillesse n'en veut plus que de belles.
Abus et danger d'appliquer le jugement où il faut appliquer le goût et le goût où il faut appliquer le jugement.
Il n'y a d'heureux que les bons, les sages et les saints, mais les saints le sont plus que tous les autres, tant la nature humaine est faite pour la sainteté.
L'amour-propre satisfait est toujours tendre ; l'orgueil lui-même a ses tendresses.
Rien ne fait autant d'honneur à une femme que sa patience, et rien ne lui en fait aussi peu que la patience de son mari.
Il faut porter son velours en dedans, c'est-à-dire, montrer son amabilité de préférence à ceux avec qui l'on vit chez soi.
L'estime de Dieu, si l'on peut s'exprimer ainsi, est plus facile à obtenir que l'estime des hommes, parce que Dieu nous tient compte de nos efforts.
Ayons le cœur haut, et l'esprit modeste.
Soyons hommes avec les hommes, et toujours enfants devant Dieu ; car nous ne sommes, en effet, que des enfants à ses yeux. La vieillesse même, devant l'éternité, n'est que le premier instant d'un matin.
La piété est une espèce de pudeur. Elle nous fait baisser la pensée, comme la pudeur nous fait baisser les yeux, devant tout ce qui est défendu.
Il faut craindre de se tromper en poésie, quand on ne pense pas comme les poètes ; et en religion, quand on ne pense pas comme les saints.
La dévotion embellit l'âme, surtout l'âme des jeunes gens.
Rien ne rapetisse l'homme comme les petits plaisirs.
L'âme est royale par son empire sur les sens, elle est belle par sa lumière et par sa paix.
Quand mes amis sont borgnes, je les regarde de profil.
J'imite la colombe, souvent je jette un brin d'herbe à la fourmi qui se noie.
Parler à Dieu de ses souhaits, de ses affaires, cela est-il permis ? On peut dire que ceux qui s'en abstiennent par respect, et ceux qui le pratiquent par confiance et simplicité, font bien.
Il faut faire le bien par le bien, et le vouloir dans les moyens et dans la fin, dans les expédients et dans le but. Un bien qu'on a fait par le mal est un bien altéré, empoisonné, et qui produira le mal dont on a mis en lui le germe, c'est une eau que les canaux ont corrompue.
Il faut se pourvoir d'ancres et de lest, c'est-à-dire d'opinions fixes et constantes, garder son lest et rester sur ses ancres sans dériver. Laissez d'ailleurs flotter les banderoles, et laissez les voiles s'enfler, le mât seul doit demeurer inébranlable.
Il faut aimer la religion comme une espèce de patrie et de nourrice : c'est elle qui a allaité nos vertus, qui nous a montré le ciel, et qui nous a appris à marcher dans les sentiers de nos devoirs.
Le ciel est pour ceux qui y pensent.
Il faut être caillou dans le torrent, garder ses veines et rouler sans être dissous, ni dissolvant.
Tout s'apprend, même la vertu.
La nécessité peut rendre innocente une action douteuse, mais elle ne saurait la rendre louable.
La sagesse humaine éloigne les maux de la vie ; la sagesse divine fait seule trouver les vrais biens.
Le bon sens s'accommode au monde ; la sagesse tâche d'être conforme au ciel.
Consulte les anciens, écoute les vieillards.
La peur tient à l'imagination, la lâcheté au caractère.
Il faut mourir aimable, si on le peut.