La nuit, enveloppant de ses ombres la terre, adoucit toutes les peines ; elle suspend, elle calme tout ; elle répand le silence et le sommeil ; en délassant les corps, elle renouvelle les esprits.
Confiez à la terre des grains de blé, elle nous rendra plus d'épis qu'elle n'a reçu de grains.
Admirez les plantes et fleurs qui naissent de la terre ; elles fournissent des aliments aux hommes et des remèdes aux malades. Leurs espèces et leurs vertus sont innombrables ; elles ornent la terre ; elles donnent de la verdure, des fleurs odoriférantes et des fruits délicieux.
Un homme qui vit sans réflexion ne pense qu'aux espaces qui sont auprès de lui ou qui ont quelque rapport à ses besoins ; il ne regarde la terre que comme le plancher de sa chambre, et le soleil qui l'éclaire pendant le jour que comme la bougie qui l'éclaire pendant la nuit.
Le hasard est une cause aveugle et nécessaire, qui ne prépare, qui n'arrange, qui ne choisit rien, le hasard n'a ni volonté ni intelligence.
À force de voir tous les jours les mêmes choses, l'esprit s'y accoutume aussi bien que les yeux.
La sage modération est un charme pour apaiser les esprits irrités.
Qui ne se contrôle pas face aux dangers est plutôt fougueux que brave.
Avant de se jeter dans le péril, il faut le prévoir et le craindre : mais quand on y est, il ne reste plus qu'à le mépriser. Montrez un cœur plus grand que tous les maux qui vous menacent.
L'amour-propre est un censeur âpre, rigoureux, soupçonneux et implacable.
Le malheur ajoute un nouveau lustre à la gloire des grands hommes.
Pour être sobre en paroles, il faut l'être en pensées.
Le corps de l'homme, qui paraît le chef-d'œuvre de la nature, n'est point comparable à la pensée.
C'est la destinée de la vertu d'être livrée à la persécution des lâches et des méchants.
Ceux qui veulent qu'on ne parle pas mal d'eux n'ont qu'une seule ressource, qui est de bien faire.
Il faut laisser les morts en paix, et ne jamais flétrir leur mémoire.
La vieillesse languissante et ennemie des plaisirs dégoûte du présent, fait craindre l'avenir, rend insensible à tout, excepté à la douleur.
Les aumônes sont des remises faites sur l'éternité, à son arrivée chacun les trouvera payables à vue.
Qui ne craint point la mort est au-dessus de tout.
La meilleure politique, dans le gouvernement des États, ainsi que dans la conduite de la vie, est celle de n'en avoir aucune, et de ne se servir en tout ce qu'on fait, que des moyens que le bon sens prescrit, et que la raison autorise.
Les péchés sont entrés dans le monde par l'intempérance, c'est l'abstinence qui y ramène les vertus.
Aimez et observez la religion, le reste meurt, mais elle ne meurt jamais.
La vertu donne la véritable politesse ; on doit préférer une vertu sans tache à une longue vie.
La principale prudence consiste à parler peu, à se défier bien plus de soi que des autres.
La bienfaisance est l'élément de toute âme honnête.
Il faut mériter les louanges, puis les fuir.
Il n'y a ni vertu, ni vrai courage, ni gloire solide, sans humanité.
Tel serait sage dans une condition médiocre qui devient insensé quand il est le maître du monde.
Le véritable esprit ne consiste que dans le bon sens.
Il ne faut avoir de l'esprit que par mégarde et sans y songer.
La véritable éloquence n'a rien d'enflé ni d'ambitieux : elle se modère et se proportionne aux sujets qu'elle traite et aux gens qu'elle instruit ; elle n'est grande et sublime que quand il faut l'être.
Apprenez à souffrir : en l'apprenant, on apprend tout.
Si vous voulez juger un homme, observez quels sont ses amis.
La santé donne de plus véritables plaisirs que les plaisirs mêmes.
On se perd en se donnant trop aux autres ; on se retrouve quand on sait un peu être seul.
On n'est pas homme quand on n'aime que soi.
Les plaies du corps ne sont rien en comparaison de celles de l'âme.
L'excellente prière n'est autre chose que l'amour de Dieu.
L'aliment de l'âme, c'est la vérité et la justice.
Le vrai courage consiste à envisager tous les périls, et à les mépriser quand ils deviennent nécessaires.
L'amitié est si jalouse et si délicate qu'un atome qui s'y mêle la blesse.
Il ne faut point s'opiniâtrer à faire goûter aux enfants certaines personnes pieuses dont l'extérieur est dégoûtant.
La tyrannie est souvent plus funeste aux souverains qu'aux peuples.
Il faut aimer sa famille plus que soi-même, et sa patrie plus que sa famille.
On cherche souvent la solitude par inquiétude, mais ceux qui sont accoutumés au fracas ne sauraient s'accoutumer à la retraite.
La vertu surmonte tout quand elle est douce, simple, ingénue et modeste.
On ne peut voir la vertu sans l'aimer, et l'on ne peut l'aimer sans être heureux.
Il ne suffit pas d'avoir raison, c'est la gâter, c'est la déshonorer, que de la soutenir d'une manière brusque et hautaine.
Celui qui n'a point senti sa faiblesse et la violence de ses passions, n'est point encore sage, car il ne se connaît point encore, et ne sait pas se défier de soi.
La sagesse n'a rien d'austère ni d'affecté, c'est elle qui donne les vrais plaisirs. Elle seule sait les rendre purs et durables ; elle prépare le plaisir par le travail, et elle délasse du travail par le plaisir.
La condition des hommes serait pire que celle des bêtes, si la solide philosophie et la vraie religion ne les soutenaient.
Heureux celui qui, n'étant point esclave d'autrui, n'a point la folle ambition de faire d'autrui son esclave.
Le bon gouvernement est celui où les citoyens sont élevés dans le respect des lois, dans l'amour de la patrie et du genre humain, qui est la grande patrie.
Quand vous cherchez la vérité, ne croyez pas à vos sentiments, et ne vous appuyez pas trop sur vos pensées.
Les enfants sont les fruits de la bénédiction du mariage.
Toute la vie d'un fourbe est un continuel manquement de parole.
La finesse, la hauteur et la sévérité sont les vraies maximes du gouvernement.
Faites le malheur du monde, et vous y trouverez le vôtre.
Dans la solitude, on y est sans fruit, quand on y est malgré soi.
Les ornements d'une campagne où la nature est belle font une image plus riante que toutes les magnificences que l'art a pu inventer.
On passe mal son temps à se croire toujours entre des poignards.
Je n'aurais pas d'horreur de la trahison si elle était faite pour me rendre maître du monde.
La corruption et les corrupteurs sont les pestes du genre humain.
Il y a deux manières de se donner aux hommes. La première est de se faire aimer, non pour être l'idole des hommes, mais pour employer leur confiance à les rendre bons. Cette philanthropie est toute divine. Il y en a une autre qui est une fausse monnaie. Quand on se donne aux hommes pour leur plaire, pour les éblouir, pour usurper de l'autorité sur eux en les flattant, ce n'est pas eux qu'on aime, c'est soi-même. On n'agit que par vanité et par intérêt ; on fait semblant de se donner, pour posséder ceux à qui on fait accroire qu'on se donne à eux.
C'est s'aimer trop soi-même que de vouloir vivre tout seul uniquement pour soi, et de ne pouvoir souffrir rien de tout ce qui choque notre propre sens. Quand on ne s'aime point tant, on se donne libéralement aux autres.
L'homme méchant se prépare les supplices que les justes dieux lui doivent.
La mauvaise volonté est le plus grand des maux.
La philosophie qui n'aboutit qu'à faire d'un philosophe un hibou est d'un bien mauvais usage. Il faut en ce monde une philosophie qui aille plus terre à terre. On prend les honnêtes gens par les motifs de la vertu, les voluptueux par leurs plaisirs, et les fripons par leur intérêt. C'est la seule bonne manière de savoir-vivre ; tout le reste est vision, et bile noire qu'il faudrait purger avec un peu d'ellébore.
Ne vaut-il pas mieux s'accommoder aux hommes tels qu'on les trouve que de vouloir les haïr jusqu'à ce qu'ils s'accommodent à nous ? Avec ce chagrin si critique, on passe tristement sa vie, méprisé, moqué, abandonné, et on ne goûte aucun plaisir.
La philanthropie se sert de la connaissance de sa propre faiblesse pour supporter celle d'autrui.
La philanthropie est une vertu douce, patiente et désintéressée, qui supporte le mal sans l'approuver. Elle attend les hommes ; elle ne donne rien à son goût, ni à sa commodité.
Le plus grand des plaisirs est de tromper un trompeur !
Les savants ne savent guère se contraindre ni dissimuler, parce qu'ils sont au-dessus des passions grossières des hommes.
Les savants ne sont pas d'ordinaire trop propres à l'action, parce qu'ils aiment le repos des muses.
Le premier pas dans le vice mène insensiblement jusqu'au crime, et l'homme aveugle n'aperçoit le précipice qu'après y être tombé.
L'amour est lui seul plus à craindre que tous les naufrages.
L'amour, il faut le désirer, travailler à le mériter, sans sentir le malheur d'en être privé.
La politesse est de toutes les nations ; les manières de l'exprimer sont différentes, mais indifférentes de leur nature.
L'ambition et l'avarice des hommes sont les seules sources de leur malheur.
Le bien qu'on fait n'est jamais perdu ; si les hommes l'oublient, les dieux s'en souviennent.
La bassesse est quelquefois le chemin de la fortune, mais elle ne procure jamais l'estime.
Il y a dans la véritable vertu une candeur et une ingénuité que rien ne peut contrefaire et à laquelle on ne se méprend point.
Malgré toute son impudence, le vice rend un hommage forcé à la vertu, en voulant se parer de ce qu'elle a de plus beau, pour recevoir les honneurs qu'elle se fait rendre.
La critique de nos ennemis, toute sévère et vigilante qu'elle est, ne peut aller jusqu'à nous désabuser de nous-mêmes ; leur malignité sert même de prétexte à notre amour-propre, par l'indulgence qui veut nous inspirer en faveur de nos plus grands défauts, et l'aveuglement de cet amour-propre va tous les jours jusqu'à trouver moyen de faire en sorte qu'on soit content de soi, quoiqu'on ne contente personne.