Ceux qui, pour faire croire à leur modestie, ou éprouver l'opinion d'autrui, affectent d'avouer des défauts qu'ils ne se croient pas, ne méritent pas qu'on les démente.
Il y a deux sortes de modestie : l'une naturelle, qui est l'effet de notre ignorance sur ce qui nous distingue ; et l'autre, que produisent nos lumières en nous éclairant sur ce qui nous manque.
On s'occupe rarement de ceux qu'on méprise, mais on veut toujours paraître mépriser ceux qu'on hait.
Ce qui empêche les menteurs de pouvoir se corriger, c'est qu'ils tirent vanité de leurs mensonges.
Le menteur ne trompe habituellement que lui.
Quoiqu'on se plaigne de la mémoire en général, on veut toujours, dans les occasions particulières, en avoir plus qu'un autre.
Le mécontentement que nous avons quelquefois de nous-mêmes devrait diminuer notre surprise du mécontentement que les autres ont souvent de nous.
Lors même que nous sommes convaincus du peu de sincérité de ceux qui nous louent, nous leur savons gré du désir de nous plaire qu'ils montrent, et de l'exemple qu'ils donnent.
Ce qui diminue quelquefois l'impression qu'on reçoit des louanges ingénieuses, c'est qu'elles louent plus ceux qui les donnent que ceux à qui elles sont adressées.
C'est un danger d'être trop loué, on ne fait plus rien pour l'être.
La laideur est une douleur qu'une femme conserve toute la vie.
Jouissons de peu, si nous voulons jouir de quelque chose.
Quand c'est l'orgueil qui donne, l'ingratitude le sert autant que la reconnaissance.
L'oubli des bienfaits qui vient de la légèreté, n'est pas plus de l'ingratitude, et que l'oubli des injures qui vient de la même cause n'est de la générosité.
L'infortune ne fait rien perdre au mérite, elle ne sert que de lustre à la vertu.
On justifie en quelque sorte un ingrat par le plaisir qu'on montre à s'en plaindre.
Ce qui blesse ordinairement le plus un grand nombre de femmes, quand nous leur sommes infidèles, n'est pas tant l'idée de notre infidélité, que celle du triomphe qu'ont dû en ressentir leurs rivales.
On pardonne d'autant moins une infidélité que la personne en faveur de qui elle a été faite nous est plus connue.
L'indiscret devrait rougir de la nécessité où il est sans cesse d'inviter les autres à ne pas lui ressembler.
On n'est pas seulement indiscret par vanité, on l'est plus souvent encore par l'impossibilité de se taire, et même contre son propre intérêt : trop de causes contribueraient à cacher la vérité, si l'indiscrétion ne nous avait été donnée comme un des moyens de la faire connaître.
Les indiscrets, malgré l'exemple qu'ils donnent, croient toujours à la vertu particulière de leurs recommandations.
Il y a des méchants qui ne nuisent qu'à leurs ennemis ; l'indiscret nuit à tout le monde.
L'amitié, l'amour et la fortune peuvent aisément échapper à qui n'a pas en soi de quoi garder un secret.
On doit autant condamner l'inconstance de nos jugements et de nos opinions, quand elle tient à nous-mêmes, que l'approuver quand elle tient à l'inconstance des personnes et des choses dont nous jugeons.
On gagne à modérer son imagination de voir au moins se réaliser quelques-unes de ses espérances.
On n'est jamais plus ignorant que par la science des choses inutiles.
La modestie n'engage jamais à s'humilier autant que la vanité.
Deux espèces d'hommes ne peuvent parvenir à connaître leurs semblables : ceux qui ne descendent jamais en eux-mêmes, et ceux qui n'en sortent jamais.
Nous avons découvert dans l'habitude un pouvoir souvent égal à celui de la nature ; nous sommes bien loin de tirer tout le parti que nous pourrions d'une aussi précieuse découverte.
La durée de nos goûts dépend plus de nos opinions que de nos besoins.
Il ne faut souvent à l'homme doué de force qu'une réflexion juste pour changer un vice en vertu.
La familiarité avec une femme est une porte ouverte vers l'amour.
L'espérance, malgré l'illusion de ses promesses, donne encore de meilleurs conseils que la crainte.
Un livre est une lettre écrite à tous les amis inconnus qu'on a dans le monde.
Qui a la prétention d'enseigner ne doit jamais cesser d'apprendre.
Blâmer la vanité d'autrui, sans cesser de le flatter, c'est se plaindre de la chaleur d'un feu qu'on attise.
On ne jouit qu'une fois du plaisir de se venger, on jouit toujours du plaisir de pardonner.
On doit son cœur à peu, on doit son indulgence à tous.
La prudence, simple qualité quand elle n'est utile qu'à nous-mêmes, devient une vertu quand nous l'employons pour les autres.
Quand on croit aimer une personne, c'est sa présence qui bien souvent nous trompe ; quand on l'aime véritablement, c'est son absence qui nous en instruit.
Les pédants sont, en un sens, plus ignorants que les ignorants de profession.
Quand l'amour-propre domine dans la jalousie, l'amour a perdu son empire.
La difficulté que nous avons à nous condamner devrait nous guérir de notre facilité à blâmer les autres.
Par ce que disent les gens on juge du prix de leur silence.
Il y a des gens avec qui on n'a à craindre que la malice du silence.
On se tait quelquefois pour avoir trop à dire.
Le scepticisme est un dégoût de l'esprit que rien n'intéresse, il doute de tout.
La sagesse inutile au monde est pire que certaines folies qui servent au moins à l'amuser.
Le sage ne brave ni ne redoute le ridicule.
Un des plus grands ridicules est la frayeur qu'ils inspirent.
La raison, pour obtenir le respect des hommes, a besoin d'être couverte de la rouille de l'antiquité.
Plus l'homme s'élève au sein des sciences, plus il apprend à s'abaisser devant Dieu.
La prudence, pour être une vertu, ne doit pas déconseiller le courage.
Le misanthrope est un honnête homme qui n'a pas bien cherché.
L'affectation empêche d'être soi, et ne permet pas d'être un autre.
L'orgueilleux méprise le suffrage public ; l'homme vain en est l'esclave ; le sage est heureux s'il l'obtient, consolé si on le lui refuse.
La vue et le dégoût de tous les abus d'esprit, de toutes les espèces de charlatanisme qu'on rencontre dans le monde, nous attachent quelquefois à la simplicité.