Il y a les gens d'esprit qui font rire, et les gens d'esprit qui font sourire ; les seconds ont l'esprit plus fin, les premiers plus éclatant.
Rien de plus délicat à formuler qu'un compliment à un homme d'esprit : si vous n'avez pas assez de tact pour découvrir le point sur lequel il aime à être loué, tout ce que vous direz d'aimable et de flatteur ne servira qu'à vous faire passer pour un lourdaud.
Ce qui cause l'embarras d'un homme d'esprit en face d'un sot, c'est que d'ordinaire ce dernier ignore tout et qu'il prétend n'avoir rien à apprendre.
Deux caractéristiques de l'homme d'esprit en société : la mesure et l'à-propos.
Les hommes d'esprit se résignent difficilement au silence ; lorsqu'ils ont ce genre d'habileté, les quelques mots qui leur échappent doublent de valeur.
Les gens d'esprit, à notre compte, sont ceux qui en ont autant ou plus que nous ; nous nous bornons à dire des autres qu'ils ne sont pas bêtes.
Le sable de la mer est moins mobile que l'esprit de l'homme.
L'homme qui passe pour le plus spirituel du monde est peu de chose s'il ne se trouve pas dans son milieu et dans son cadre. On est même allé jusqu'à prétendre que le plus homme d'esprit était celui qui, ayant su trouver ce milieu et ce cadre, n'en sortait plus.
Il faut plus d'esprit pour voir le bien que pour voir le mal. Pour le sot, il n'y a pas de bons livres ; pour l'homme d'esprit, il n'y a pas de mauvais livres. Le sot ne voit que des sottises quand il lit ; il les signale pour se donner les airs d'un homme d'esprit ; l'homme d'esprit ne cherche que l'esprit, et il est heureux quand il découvre un mot de nature ou de caractère.
Si la plupart des gens d'esprit ne réussissent pas c'est que le plus souvent ils ne font qu'ouvrir la porte aux sots. Ils marquent le chemin et le dédaignent. Et puis la question est de savoir si, pour arriver, il faut plus de jambes que de tête.
Qu'est-ce qu'un homme d'esprit au milieu des sots, si ce n'est une lumière importune ? On comprend dès lors qu'à son approche les rangs des sots se resserrent étroitement.
Un homme d'esprit doute souvent, un sot jamais.
Plus un homme d'esprit excite de sentiments à distance, moins il y répondra de près ; plus il a été rêvé brillant, plus terne il sera. Sous ce rapport, la curiosité déçue va souvent jusqu'à l'injustice.
Le véritable homme d'esprit est celui qui est, naturellement ou artificiellement, bête quelquefois. L'esprit continu touche à la bêtise continue ; les plus bêtes le sont moins, certainement, que ceux qui abusent de leur esprit.
Un goujat peut faire jaillir des saillies charmantes chez un homme d'esprit avec lequel il cause, exactement comme un pourceau déterre des truffes.
Il n'y a pas moins d'éloignement entre bons et mauvais qu'entre sots et gens d'esprit.
Il y a des gens qui, à force d'avoir de l'esprit, n'ont pas le sens commun.
La fréquentation des sots est malsaine ; hantez les gens d'esprit, mais cuirassez-vous bien.
Les gens d'esprit ont en eux des semences de toutes les vérités et de tous les sentiments ; rien ne leur est nouveau : ils admirent peu, ils approuvent.
Il y a gens d'esprit et gens d'esprit. Que de frelons passent pour abeilles ! Heureux qui sait cueillir les sommités fleuries !
Les gens d'esprit s'éteignent devant un grand homme comme les étoiles devant le soleil.
Il y a entre la beauté du visage et celle de l'âme une sorte de corrélation sympathique, et un homme d'esprit ou un homme de cœur n'est jamais bien laid, et a une beauté à lui particulière.
Pour les femmes, un homme d'esprit est un homme de jour, et un sot un homme de nuit.
Les zéros qui se mettent derrière les chiffres font des millions. Devant, ils les diminuent. Des sots inspirés par un homme d'esprit et le suivant ont un pouvoir immense. Malheureusement, ils se mettent devant !
On n'est point homme d'esprit pour avoir recueilli beaucoup d'idées, comme on n'est point un bon général pour disposer d'un grand nombre de soldats !
De deux hommes d'esprit, dont l'un bon, et l'autre méchant, l'un est un maître d'escrime, l'autre un assassin !
On a demandé à un homme d'esprit ayant eu certains succès littéraires pourquoi il ne publiait plus rien, ou presque rien ? — Il n'y a plus rien à faire pour moi, répondit-il, mon public s'est aperçu que j'ai plus d'esprit que lui. Il m'a congédié.
Un homme d'esprit peut dire des bêtises, mais il n'en écoute pas longtemps.
L'homme d'esprit ressemble au laboureur qui, du soc de la charrue, trace des sillons pour ensemencer. Vienne l'agresseur, et le laboureur brandit le soc en guise de massue. Le véritable esprit est toujours à tracer son sillon poétique et idéal, au moment où, face à face avec un stupide agresseur, il se voit forcé d'en faire une massue pour défendre sa liberté et souvent la liberté de tous les sots que Dieu a confiés à sa garde.
Vous croyez peut-être que le bélier et le taureau frappent du front parce qu'ils ont des cornes ? Détrompez-vous ! Il ne leur vient des cornes que parce qu'ils ont la volonté de donner du front. La preuve, c'est que même l'agneau, le chevreau et le veau essayent leurs fronts avant qu'il leur pousse des cornes. Et voilà toute la différence et toute la parenté entre sots et hommes d'esprit. Tous ont la volonté de donner, de frapper, de piquer du front. Seulement, les uns ont des cornes, et les autres n'en ont pas.
L'homme peut élargir son intelligence par l'étude et la science comme il peut fortifier sa santé par une nourriture frugale et substantielle, mais il ne peut acquérir de l'esprit ni changer de constitution. L'esprit est à l'intelligence ce qu'est la mélodie à l'harmonie. La mélodie se manifeste par des sons qui se suivent et s'entre-suivent. L'harmonie se forme par des sons qui se juxtaposent. On peut apprendre à juxtaposer et à harmoniser des sons ; mais, pour qu'ils se suivent mélodieusement, il faut qu'ils se détachent de l'âme, l'un après l'autre, comme les notes d'un rossignol ou les perles de la rosée.
Les riches, pour s'amuser, aiment à avoir chez eux les hommes d'esprit. Les hommes d'esprit, au contraire, ne reçoivent chez eux que leurs pairs.
Pour que le riche devienne l'ami réel d'un homme d'esprit, il faut qu'il ait de l'esprit lui-même. Ce qui fait que les grands n'ont point d'amis quand ils ne sont pas eux-mêmes grands par l'esprit.
Un homme d'esprit peut aimer un sot qu'il comble de son esprit et que celui- ci gaspille comme le pauvre gaspille les écus du riche au cabaret, avec une gourgandine ! Mais jamais sot n'aima, ni n'aimera un homme d'esprit.
De même que les riches sont les greniers d'abondance des pauvres – car ceux-ci sont incapables de conserver et d'accumuler les fruits du travail de même les hommes d'esprit sont les gardiens et les trésoriers des sots - l'immense majorité des humains. Ils sont les chiffres qui font valoir ces zéros. Sans les hommes d'esprit, les sots, abandonnés à eux-mêmes, s'entre-dévoreraient jusqu'au dernier. Hélas ! depuis longtemps, en France, les zéros se sont mis devant les chiffres et les ont annulés. Et depuis que les sots se comptent eux-mêmes, ils ne comptent plus !
Depuis quelque temps, les journaux grands et petits sont à la recherche de l'esprit et des hommes d'esprit. Il paraît, à les entendre, que l'esprit est devenu un gibier assez rare. Naguère, disent-ils, on n'avait qu'à faire partir un sifflet, et des compagnies entières d'hommes d'esprit prenaient leur vol pour tomber dans la carnassière d'un chasseur d'esprit, autrement dit, un journal. Le mauvais temps, le manque de soleil et de printemps ont empêché les vieux esprits de pondre et de faire des petits. L'esprit, dit-on, s'en va.
Les sots sont faits pour être croqués, et être exploités par les hommes d'esprit.
Un homme d'esprit laisse à tout le monde le soin de motiver son avis.
Ce qui distingue un homme d'esprit d'un sot, c'est, dit-on, qu'un sot se flatte lui-même, et qu'un homme d'esprit flatte les autres ; mais c'est sottise encore de flatter les autres : ce qu'on y gagne quelquefois ne vaut jamais ce qu'on y perd.
Un homme d'esprit se tait avec les sots comme un riche refuse l'aumône aux indigents.
La vieillesse n'ôte à l'homme d'esprit que des qualités inutiles à la sagesse.
Un sot qui veut paraître un homme d'esprit a toujours recours à des moyens qui d'un homme d'esprit feraient un sot.
Rien n'est plus agréable à un homme d'esprit que la bonne compagnie.
L'homme d'esprit sait ce qu'il gagne à bien soutenir une discussion : l'homme sage sait ce qu'il gagne à l'éviter.
Un homme d'esprit, s'il n'a pas de bonté, peut ne pas avoir de tact.
L'homme obtus manque d'esprit, le sot d'entendement.
Un homme d'esprit, dans la solitude la plus absolue, trouve dans ses propres pensées et dans sa propre fantaisie de quoi se divertir agréablement, tandis que l'être borné aura beau varier sans cesse les fêtes, les spectacles, les promenades et les amusements, il ne parviendra pas à écarter l'ennui qui le torture.
Là où l'homme cultivé saisit un effet, l'homme d'esprit inculte attrape un rhume.
Les hommes veulent bien qu'on rie de leur esprit, mais non pas de leur sottise.
L'esprit de certains hommes est un serpent qui glisse sous la main à qui croit le saisir.
Il y a des hommes qui ont plus de cheveux que d'esprit.
II est offensant pour un homme d'esprit de parler avec des sots.
En ce monde les gens d'esprit n'abondent pas, mais les sots sont en nombre.
Un homme d'esprit peut être laid, jamais un homme de cœur.
Tromper un sot est un exploit digne d'un homme d'esprit.
Si un fat paraît avoir de l'esprit, ce n'est jamais qu'à ceux qui n'en ont point.
Un sot est plus souvent un méchant qu'un homme d'esprit.
Celui qui veut passer pour homme d'esprit ne s'empressera pas trop à le paraître. Affecter de briller, de montrer plus d'esprit que les autres, est un moyen infaillible pour qu'ils nous en trouvent moins que nous n'en avons. C'est se donner un air de vanité qui révolte, et l'on réussit rarement à persuader les autres de son mérite quand on en paraît trop persuadé soi-même.
Effets des majorités : quand trois sots se rencontrent avec un homme d'esprit, c'est évidement l'homme d'esprit qui est un sot.
La bêtise réussit le mieux en ce monde, les hommes d'esprit sont des sots.
À un homme d'esprit, il ne faut qu'une femme de sens ; c'est trop de deux esprits dans une maison.
La malice d'un esprit grossier est plus dangereuse que les finesses d'un homme d'esprit.
L'homme d'esprit n'est jamais seul, mais le sot s'ennuie partout.
Un homme d'esprit n'est jamais pauvre?