La poésie française sur la solitude.

1 - La solitude et l'isolement en poèmes :

La poésie française De poètes français ou d'écrivains d'expression française, ce recueil de poésies vous propose 10 poèmes sur le thème de l'isolement et de la solitude. Dans son Journal intime en date du 17 septembre 1872, Henri-Frédéric Amiel a écrit : Si la solitude a ses orgueilleuses jouissances, elle a aussi ses privations. J'aime a rencontré un aimable visage, il me rend la santé, la verve, l'esprit et la vie. Un frais sourire est le plus efficace des cordiaux. Trop de solitude me pèse, m'étreint et me tue. Et sur le même thème, découvrez nos citations sur l'isolement et la solitude.
Autres recueils : La femme » L'homme » La vie » L'amitié » L'amour » Le sourire » L'espérance »

2 - Les poèmes, quatrains et sonnets sur la solitude :

Poème : Ton image peuple ma solitude.

Recueil : L'homme intérieur (1905)
Ton image en tous lieux peuple ma solitude.
Quand c'est l'hiver, la ville et les labeurs d'esprit,
Elle s'accoude au bout de ma table d'étude,
Muette, et me sourit.

À la campagne, au temps où le blé mûr ondule,
Amis du soir qui tombe et des vastes couchants,
Elle et moi nous rentrons ensemble au crépuscule
Par les chemins des champs.

Elle écoute avec moi sous les pins maritimes
La vague qui s'écroule en traînant des graviers.
Parfois, sur la montagne, ivre du vent des cimes,
Elle dort à mes pieds.

Elle retient sa part des tourments et des joies
Dont mon âme inégale est pleine chaque jour ;
Où que j'aille, elle porte au-devant de mes voies
La lampe de l'amour.

Enfin, comme elle est femme et sait que le poète
Ne voudrait pas sans elle oublier de souffrir,
Lorsqu'elle me voit triste elle étend sur ma tête
Ses mains pour me guérir.

Charles Guérin (1873-1907)

Poème : Loin du monde.

Recueil : Poésies inédites (1860)
Entrez, mes souvenirs, ouvrez ma solitude !
Le monde m'a troublée ; elle aussi me fait peur.
Que d'orages encore et que d'inquiétude
Avant que son silence assoupisse mon cœur !

Je suis comme l'enfant qui cherche après sa mère,
Qui crie, et qui s'arrête effrayé de sa voix.
J'ai de plus que l'enfant une mémoire amère :
Dans son premier chagrin, lui, n'a pas d'autrefois.

Entrez, mes souvenirs, quand vous seriez en larmes,
Car vous êtes mon père, et ma mère, et mes cieux !
Vos tristesses jamais ne reviennent sans charmes ;
Je vous souris toujours en essuyant mes yeux.

Revenez ! Vous aussi, rendez-moi vos sourires,
Vos longs soleils, votre ombre, et vos vertes fraîcheurs,
Où les anges riaient dans nos vierges délires,
Où nos fronts s'allumaient sous de chastes rougeurs.

Dans vos flots ramenés quand mon cœur se replonge,
Ô mes amours d'enfance ! ô mes jeunes amours !
Je vous revois couler comme l'eau dans un songe,
Ô vous, dont les miroirs se ressemblent toujours !

Marceline Desbordes-Valmore (1786-1859)

Poème : Pauvre âme solitaire.

Recueil : Les fleurs du mal (1857)
Que diras-tu ce soir, pauvre âme solitaire,
Que diras-tu, mon cœur, cœur autrefois flétri,
À la très-belle, à la très-bonne, à la très-chère,
Dont le regard divin t'a soudain refleuri ?

— Nous mettrons notre orgueil à chanter ses louanges :
Rien ne vaut la douceur de son autorité ;
Sa chair spirituelle a le parfum des Anges,
Et son oeil nous revêt d'un habit de clarté.

Que ce soit dans la nuit et dans la solitude,
Que ce soit dans la rue et dans la multitude,
Son fantôme dans l'air danse comme un flambeau.

Parfois il parle et dit : Je suis belle, et j'ordonne
Que pour l'amour de moi vous n'aimiez que le Beau ;
Je suis l'Ange gardien, la Muse et la Madone.


Charles Baudelaire (1821-1867)

Poème : À George Sand.

Recueil : Poésies posthumes (1888)
Il faudra bien t'y faire à cette solitude,
Pauvre cœur insensé, tout prêt à se rouvrir,
Qui sait si mal aimer et sait si bien souffrir.
Il faudra bien t'y faire ; et sois sûr que l'étude,

La veille et le travail ne pourront te guérir.
Tu vas, pendant longtemps, faire un métier bien rude,
Toi, pauvre enfant gâmeté, qui n'as pas l'habitude
D'attendre vainement et sans rien voir venir.

Et pourtant, ô mon cœur, quand tu l'auras perdue,
Si tu vas quelque part attendre sa venue,
Sur la plage déserte en vain tu l'attendras.

Car c'est toi qu'elle fuit de contrée en contrée,
Cherchant sur cette terre une tombe ignorée,
Dans quelque triste lieu qu'on ne te dira pas.

Alfred de Musset (1810-1857)

Poème : La solitude.

Recueil : La part du rêve (1863)
Frais calice, entr'ouvert aux rayons de l'aurore,
Une modeste fleur, que balançait le vent,
S'éveillait à la vie, et, toute humide encore
Des larmes de la nuit, souriait en rêvant.

La fleur des autres fleurs espérait un échange,
Parfum contre parfum, et soupir pour soupir ;
Mais bientôt frissonnant, par un instinct étrange,
Elle se sentit seule et désira mourir.

Un ange ranima la fleurette abattue :
Va, tout n'est pas perdu ; ton sort a sa douceur ;
Au bonheur crois encor ; si l'on t'a méconnue,
Embaume le désert, car Dieu s'y tient, ma sœur !

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)

Poème : Apaisement.

Recueil : La part du rêve (1863)
— Partout le regret ou l'inquiétude
Partout le souci ;
Toujours la tristesse et la solitude,
Et le deuil aussi !
Où fleurit l'espoir ? Où verdit la palme ?
Où croit le bonheur ?
Où cueillir la joie ? Où trouver le calme ?
Où poser son cœur ?

— L'or ni le savoir, le vin ni les roses,
L'art ni le ciel bleu,
N'emplissent le cœur ; et deux seules choses
L'apaisent un peu :
C'est d'abord un cœur fait pour lui, qui l'aime,
Et qu'il nomme sien,
Et puis une voix au fond de lui-même
Qui lui dise : Bien !

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)

Poème : À la solitude asservie.

Recueil : Grains de mil (1854)
— Ah ! c'est à détester la vie !
Toujours, partout, se sentir seul !
À la solitude asservie,
Mon âme file son linceul.
Dix fois ! ma main l'a mise nue,
Dix fois, bien qu'elle en ait frémi !
Mon âme est encore inconnue
À mon meilleur ami !

— C'est vrai ; mais, avant de maudire,
Plein de courroux ou plein d'effroi,
Écoute, passant qui soupire,
Écoute, frère, et réponds-moi.
Nul œil, c'est là ce qui t'enflamme,
Ne lit dans ton cœur abattu ;
Nul ami ne connaît ton âme :
Et toi, la connais-tu ?

Il faut posséder pour connaître,
Et pour posséder, contenir ;
L'œil, qui finit ce qu'il pénètre,
Pénètre ce qui doit finir.
Va, frère, ne jette à ce monde
Ni ton blasphème ni ton vœu ;
Ton âme est chose trop profonde :
Un seul la connaît : Dieu !

Henri-Frédéric Amiel (1821-1881)

Poème : La solitude.

Recueil : Les nouvelles feuilles des bois (1873)
Au pied de rochers noirs et vieux,
Où l'Océan gémit et gronde,
Je n'aperçois plus rien du monde,
J'unis mon âme avec les cieux
Loin de la foule vagabonde.

J'entends les chants de doux oiseaux,
Tendres soupirs dans le silence ;
J'entends la vague qui s'élance,
Elle me parle avec ses eaux,
Frémit, s'éloigne et recommence !

Je sens le doux parfum des fleurs
Que m'apporte la douce brise ;
Dans chaque vague qui se brise
Je crois recueillir quelques pleurs,
Comme la pierre d'une église !

Aucune voix dans le désert,
Le désert pense et se recueille ;
Le frémissement de la feuille
S'épanouit comme un concert
De sons plaintifs que l'âme cueille,

Je jette un regard sur les cieux,
J'interroge au loin la nature ;
J'entends une voix qui murmure :
« Tu peux errer seul en ces lieux,
C'est moi qui guide et qui rassure !

Je suis ton père au firmament,
Je le suis aussi sur la terre,
Et de l'éclat de ma lumière
Je tire de l'aveuglement
La race humaine tout entière. »

Hippolyte Fleury

Poème : Solitude.

Recueil : Miscellanées (1833)
Souvent, lorsque le jour, mélancolique et tendre,
Comme dans un bosquet, perce à peine à travers
Et que de mille oiseaux le chant s'y fait entendre,
J'aime à venir m'asseoir sous de grands arbres verts.

Oh ! que cette harmonie est suave et touchante !
C'est une voix d'amour qui s'élève vers Dieu,
Et le soir, quand j'entends le rossignol qui chante,
Et module au soleil son éloquent adieu ;

Ma voix, comme la sienne, est d'en haut inspirée,
Et je trouve plus doux, le doux parfum des fleurs,
Et le calme descend dans mon âme épurée,
Et je sens dans mes yeux se glisser quelques pleurs.

Ce sont des pleurs de joie, et j'aperçois la vie
Plus belle, à la lueur de ces étoiles d'or,
Dont jamais dans les cieux la marche ne dévie,
Et qui veillent sur nous que le silence endort.

Alors laissez-moi seul ; cette paix me conseille ;
Car la nuit a toujours des mots mystérieux,
Qu'une secrète voix murmure à mon oreille,
Et ces mots sont au cœur doux et mélodieux.

Laissez-moi m'abreuver de calme et d'harmonie,
De la brise embaumée épier les accents,
Ou l'entendre glisser sur la feuille jaunie
Qui reçoit tous les soirs ses baisers caressants.

Laissez mon âme en paix respirer à son aise
L'odorante vapeur et la fraîcheur des nuits ;
Le monde est pauvre chose et n'a rien qui me plaise ;
Mais dans la rêverie il n'est jamais d'ennuis.

Laissez-moi regarder, paisible et solitaire,
La lune qui s'élève au front de l'horizon,
Comme un diamant pâle et voilé de mystère,
Et dont vient un reflet colorer le gazon.

Oh ! ne m'invitez pas aux danses de famille
Faites, faites sans moi votre repas du soir,
Et laissez-moi tout seul, rêveur, dans la charmille,
Contempler ce beau ciel et m'enivrer d'espoir.

Vous riez à ma voix et traitez de folie
Ces rêves qui, pour vous, sont vides de plaisir.
Le bonheur est parfois dans la mélancolie ;
Mais il n'est pas à tous donné de le saisir.

Riez, je vous verrai rire, sans jalousie ;
Soyez joyeux, amis ; défiez les chagrins ;
Jamais d'ombre à vos fronts ! — moi, j'ai la poésie !
La poésie est douce et fait les jours sereins ! —

Léon Buquet (1808-1840)

Poème : Isolement.

Recueil : Miscellanées (1833)
L'amour ! c'est d'amour que mon cœur est avide,
Et pas un mot d'amour ne tombe en ce cœur vide,
Et jamais sur mon front d'où le calme est absent
Ne se pose avec joie un regard caressant !

Jamais de doux aveux ! jamais lèvres de femme
Ne cherchent sur ma bouche à respirer mon âme,
Et je m'ennuie à vivre et vers le soir je vais,
Triste et seul, rafraîchir sur les monts élevés,
Au souffle fécondant de la brise égarée,
Mon corps brûlé de fièvre et ma vie altérée.

Or cet isolement, cette angoisse qui pèse
Croît, fermente et devient un mal que rien n'apaise ;
Mal qui suit la pensée en ses rêves amers,
Sous l'ombrage des bois, au rivage des mers.

Léon Buquet (1808-1840)

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