Les hommes ne s'intéressent plus tant aux individualités, ils les prennent pour ce qu'elles sont : des moyens ou des obstacles dans l'œuvre commune.
Une individualité n'a pas deux éditions.
Il faut renoncer à tout savoir, à tout vouloir, à tout embrasser ; il faut s'enfermer quelque part, se contenter de quelque chose, se plaire à quelque œuvre, oser être ce qu'on est, résigner de bonne grâce tout ce qu'on n'a pas, croire en son individualité.
L'intelligence a ses individualités, et le cœur a les siennes. On peut être homme de génie par le cœur. Pour cela, il faut savoir aimer plus que tous les autres. Ces génies du cœur sont peut-être plus rares que ceux de l'intelligence. Dans tous les cas, ils sont plus inaperçus. Il y a certainement plus de mérite à être homme de cœur qu'homme d'esprit, car l'orgueil n'y peut guère espérer de triomphe.
L'individualité est à l'homme moral ce que la colonne vertébrale est à l'homme physique. C'est, pour mieux dire, la substance même de l'homme ; c'est par l'individualité qu'il atteint à sa véritable hauteur, et tant qu'il reste au-dessous, il peut bien occuper sur la terre la place d'un homme, mais il n'est pas un homme.
L'individualisme et l'individualité sont deux ennemis jurés : le premier, obstacle et négation de toute société ; la seconde, à qui la société doit tout ce qu'elle a de saveur, de vie et de réalité.
L'individualité n'est pas l'individualisme. Celui-ci rapporte tout à soi, ne voit en toutes choses que soi ; l'individualité consiste seulement à vouloir être soi afin d'être quelque chose. Et sans doute il vaut mieux pour la société que chacun soit quelque chose que s'il n'était rien.
L'individualité est inaliénable, dans ce qu'il a d'individuel réside la vraie force de chaque homme, sa moelle morale.
Tout homme, bon gré mal gré, a son individualité, mais tout homme n'a pas de l'individualité.
L'individualité de l'âme a d'autres effets que celle de l'esprit ; celle-ci, séparée de la première, scinde et déchire ; il les faut réunir toutes deux, l'une pour sentir, l'autre pour comprendre ; l'une pour peindre, l'autre pour expliquer ; l'une pour compléter l'autre : car comment comprendre ce qu'on ne sent pas, ou comment bien expliquer ce qu'on ne saurait peindre ?
L'individualité est cette combinaison de qualités humaines qui distingue un être entre tous ses semblables et ne permet pas de le confondre avec aucun d'eux. L'individualité est la base de notre valeur propre ; car pour que nous soyons quelque chose, il faut d'abord que nous soyons, ou, en d'autres termes, que nos qualités soient à nous.
Individualité ou personnalité, on n'est jamais grand que par là.
Quelle est la plus haute qualité des hommes de génie ? — L'individualité.
Être individuel, c'est, autant qu'il est possible, être propriétaire de ses opinions, de ses sentiments, de tout son être, au lieu d'en être simplement locataire, comme tant d'hommes, même des plus éclairés, ont bien voulu s'y réduire.
La vie individuelle n'est qu'un renouvellement rapide de phénomènes compris entre deux zéros, la naissance et la mort.
Un pays, qui a un bon peuple, n'est-il pas plus fort qu'un pays qui n'a que de bonnes individualités ?
On veut bien avouer qu'envisagé en masse le genre humain est une pauvre et triste engeance, mais chacun se croit personnellement une exception : l'homme consent ainsi à se dépouiller d'orgueil pour son espèce, mais il en retient une large dose pour son individualité.
La vie du riche porte l'empreinte de l'individualisme, et celle du pauvre de la promiscuité : Tout est commun pour ce dernier... la crèche, la salle d'asile, l'école, l'atelier, le cabaret, le lupanar, l'hôpital, la fosse commune !
Le mariage moderne est un problème complexe que bien peu résolvent à leur avantage. Il contient deux éléments, l'individuel et le social ; presque toujours on sacrifie l'un ou l'autre, souvent l'un et l'autre, quand il faudrait les intimement combiner.
Le moi est haïssable, a écrit Blaise Pascal ! Certes, le moi coquin, égoïste, fat, despote, crapuleux est haïssable, mais le moi honnête, laborieux, amoureux et gai, non seulement n'est pas haïssable, mais lui seul inspire de l'intérêt, lui seul est quelque chose. Qu'est-ce que l'homme sans individualité, qui n'a pas son moi ? Tous les coquins, toutes les coquines se ressemblent par à peu près comme les calembours. Ce ne sont plus ni des hommes ni des femmes, c'est une espèce. Seul l'honnête homme, seule l'honnête femme a un caractère, une spécialité, un moi.
Il y a différentes manières d'être jolie et bien parée, c'est l'individualité esthétique, mais il y a terriblement plus de façons d'être laide et mal mise.
Toute vie individuelle est l'ombre d'une fumée, un geste dans le vide, un éclair plus ou moins paresseux, un hiéroglyphe tracé un moment sur le sable et qu'un souffle efface le moment d'ensuite, la bulle d'air qui vient s'ouvrir et crépiter à la surface du grand fleuve de l'être, une apparence, une vanité, un néant.
L'individualité est une chose précieuse. Il vaut mieux n'être rien et être soi qu'être la charge, ou la caricature, ou même une épreuve pâle d'un grand homme ; il serait désespérant de vouloir ressembler à autrui, parce qu'alors chaque fois que l'on penserait à vous, on penserait aussi à celui auquel vous ressemblez, et l'esprit, même involontairement, ferait une comparaison.
L'être parfait est au-dessus de l'individualité, il est sans individualité.
L'individualité est une qualité des êtres imparfaits, la consolation de leur insuffisance.
Société et individualité ne sont pas deux réalités séparées s'ajustant l'une à l'autre, mais il y a un ambi-système où complémentairement et contradictoirement individu et société sont constitutifs l'un de l'autre tout en se parasitant l'un l'autre.
La bonne individualité est celle qui conserve ses qualités propres ; la mauvaise est celle qui s'attache à ses défauts caractéristiques.
Quand on veut vivre parmi les hommes, il faut laisser chacun exister et l'accepter avec l'individualité, quelle quelle soit, qui lui a été départie.
La détermination spontanée, énergique, conséquente, voilà le signe de l'individualité. Impossible d'être, d'être quelqu'un, sans volonté décidée et soutenue, sans une idée claire et un désir vif.
Une individualité sans force est un cristal qui se dissout dans son bain, un nuage qui se résorbe dans l'atmosphère, c'est quelque chose qui meurt et s'efface.
L'individualité repose sur le caractère, lequel résulte de la volonté, laquelle est une force.
Faire valoir son individualité consiste à découvrir ce que l'on a en soi de meilleur, de plus neuf, de plus attrayant, de plus utile, et à le mettre en relief pour le service commun.
L'individualité recommandable, c'est la variation du type dans les limites du bien et du beau. Ainsi cinquante jolies personnes renouvellent cinquante fois l'impression de la grâce sans se copier entre elles ; cinquante écrivains ou peintres auront autant de styles personnels, tous méritoires quoique tous différents.
L'individualisation n'est pas heureuse par elle-même. Plus un individu désagréable est individuel, plus il est désagréable, sauf pour le naturaliste qui l'observe sans l'approcher.
L'individualité est un apanage de la complexité, et un corpuscule isolé est trop simple pour être doué d'individualité.
Personne ne peut sortir de son individualité.
Les individualités disparaissent chez un peuple nivelé par l'instruction.
L'individualité, c'est une chance d'être mieux compris, mieux senti, et le principe d'une vaste et vivante unité.