L'éducation n'est pas toute-puissante, elle ne fait pas de miracles, elle n'a pas toujours raison des fatalités, des accidents ; mais, sans l'éducation, que serions-nous ? Les uns prétendent que l'enfant naît pourri du péché originel, les autres qu'il naît gracieux et bon, que ses instincts sont aimables, comme parlait Rousseau. La vérité est qu'il n'est ni bon ni mauvais. On n'est l'un ou l'autre que lorsqu'on a une règle qu'on observe ou qu'on transgresse. Nous venons au monde avec des penchants, des inclinations, des aptitudes qui proviennent d'hérédité directe ou indirecte ou en retour ; mais la règle n'est pas une chose dont on hérite, elle s'apprend. Non, l'enfant n'est pas aimable ; il est insolemment personnel ; il croit que tout lui est dû et qu'il ne doit rien, que ses droits vont aussi loin que vont ses désirs, que l'univers lui appartient, et il se fâche contre le mur qui l'arrête, contre la table à laquelle il se cogne. C'est à vous de lui enseigner à n'être pas son tout à lui-même, c'est à vous de lui faire connaître et aimer ses assujettissements. Partez du principe qu'il est sans conscience : il faut lui en donner une et qu'elle soit conforme à ce qu'il y a de meilleur dans la société où la destinée l'a fait naître. Au reste, ce que vous lui direz l'instruira moins que ce qu'il verra. Si vous voulez qu'il se respecte, respectez-vous. Si vos actes et vos discours se contredisent, il se persuadera bientôt que la contradiction est une loi du pays qu'il habite et qu'il y a deux morales, celle qu'on enseigne et celle qu'on pratique.