Ce qu'un oiseau chante, un enfant le jase. C'est le même hymne. Hymne indistinct, balbutié, profond. L'enfant a de plus que l'oiseau la sombre destinée humaine devant lui. De là la tristesse des hommes qui écoutent mêlée à la joie du petit qui chante. Le cantique le plus sublime qu'on puisse entendre sur la terre, c'est le bégaiement de l'âme humaine sur les lèvres de l'enfance.
L'essentiel du passage de l'enfance à l'âge adulte, c'est accepter de grandir de l'intérieur pour pouvoir se séparer du désir et des peurs de ses parents, afin d'affronter sa propre existence.
Jacques Salomé - Contes d'errance, contes d'espérance (2007)
L'enfance ne prévoit pas l'avenir, le seul présent l'intéresse.
Le plus doux privilège que la nature ait accordé à l'homme qui vieillit, c'est celui de se ressaisir avec une extrême facilité des impressions de l'enfance.
Quand on a été mal aimé dans son enfance et qu'on a adopté le point de vue de ses parents, on a constitué de soi une image déplaisante dont on ne se débarrasse jamais.
Vous respectez la vieillesse, c'est bien ; mais respectez donc aussi l'enfance ; respectez dans cette âme, à peine émanée du sein de la nature, l'image de Dieu que l'haleine corrompue de la société n'a point ternie encore ; respectez les desseins providentiels qui reposent dans ce berceau. Cet enfant sera peut-être Descartes, Washington, Michel-Ange ; et s'il n'est rien de tout cela, n'est-il pas déjà pour vous le souvenir vivant des ravissements de l'amour, le gage et comme le sourire de votre immortalité ?
Tout concourt à faire de l'amitié entre frère et sœur le sentiment le plus fort peut-être et le plus doux ensemble du cœur de l'homme. Le charme que projettent sur la vie les souvenirs d'enfance, tristes ou gais, toujours attendrissants, et qui ne se retrouvent jamais avec une si complète identité dans les autres affections ; l'attrait voilé des sexes qui se fait sentir même dans le commerce des intelligences, en excluant les rivalités jalouses ; la protection et la confiance librement données et reçues, exemptes de cette notion de devoir qui glace si souvent les relations entre le père et l'enfant, entre l'époux et l'épouse ; toutes ces douceurs, toutes ces grâces, font de la piété fraternelle un sentiment ineffable qui échappe presque complètement, dans son ardeur placide, aux misères et aux déceptions des autres amours.
L'enfance aspire à la vie, l'adolescence la savoure, la jeunesse s'enivre d'elle, l'âge mûr la goûte, la vieillesse dit : C'est assez ! la caducité s'y accoutume.
L'enfance n'est heureuse que parce que, oubliant le passé, n'ayant aucune idée de l'avenir, elle voltige continuellement dans l'étroit sentier du présent, et dit : je vis.
Vous qui ne savez pas combien l'enfance est belle, enfant ! n'enviez point notre âge de douleurs, où le coeur tour à tour est esclave et rebelle, où le rire est souvent plus triste que vos pleurs.
Victor Hugo - Odes et ballades, À une jeune fille (1825)
Ô illusions de l'enfance et de la patrie, ne perdez-vous jamais vos douceurs !