L'homme opulent peut être impunément avare, négligé dans sa tenue. Il peut être d'un courage et d'une délicatesse équivoques ; aux yeux du monde ses richesses sont des circonstances atténuantes ! L'homme pauvre, au contraire, doit être élégant, prodigue, probe et brave.
Les pauvres sont aux riches, les savants sont aux ignorants, etc., ce que le zéro est à l'unité. Aussi, les privilégiés de toute sorte doivent-ils souhaiter une longue vie aux hommes de rien qui décuplent leur valeur.
Lorsqu'on vient à penser que le superflu des uns se compose du nécessaire des autres ; qu'il y a des hommes qui souffrent et qui meurent de faim au seuil des palais des riches ; qu'aux yeux de la religion et de la philosophie, avoir un million de fois plus que le nécessaire c'est retenir la vie d'un million de ses frères ; lorsqu'on vient à penser à cela, on se console facilement d'être pauvre, et l'on plaint sincèrement l'homme juste et honnête condamné à demeurer riche. La fortune, pour lui, n'est pas une jouissance, c'est la torture perpétuelle du scrupule et du remords.
Il n'est personne de plus malheureux que le pauvre : c'est lui qui sue, qui laboure, qui veille, pour qu'un autre jouisse et soit maître des fruits de son travail.
Aimons les pauvres et la pauvreté, car par cet amour nous deviendrons vraiment pauvres, puisque, comme le dit la sainte Écriture, nous sommes faits comme les choses que nous aimons.
Un homme pauvre qui trouve une bonne idée m'a toujours fait l'effet d'un morceau de pain dans un vivier : chaque poisson vient lui donner un coup de dent.
Entre les pauvres qui peuvent être l'objet de votre bienfaisance, vous devez surtout préférer ceux qui, ayant de la conduite et de la vertu, ne méritent pas leur mauvaise fortune. Attachez-vous par préférence aux vieillards, aux malades, aux pauvres honteux, aux personnes malheureuses que votre charité pourra retirer du désordre ou empêcher d'y tomber.