En France il est intolérable que quelqu'un qui était votre égal devienne votre supérieur, singulièrement si l'on devine en lui des qualités que l'on n'a pas.
Jean Dutourd - Œuvre : Le septième jour (1995)
En France il est intolérable que quelqu'un qui était votre égal devienne votre supérieur, singulièrement si l'on devine en lui des qualités que l'on n'a pas.
Ce n'est jamais sans une secrète révolte de l'orgueil que l'on paye à celui qui, après avoir été notre subordonné, devient notre supérieur, le tribut d'hommage et de déférence qu'il a droit d'attendre. Par un sentiment analogue, rarement le cœur est assez généreux pour rendre entière justice à celui qui nous succède dans une fonction que nous avons remplie, ou qui obtient celle que nous désirions remplir.
Les hommes ont quelque peine à croire qu'un homme de leur siècle, un homme fait comme eux, qu'ils voient, qu'ils entendent, ait un talent supérieur ; ils s'ennuieraient à la preuve d'une si fade vérité. On souffre avec plus de patience de voir des prétentions humiliées, des talents contestés, des hommes d'esprit tournés en ridicule, si jamais ils peuvent l'être.
Un être est supérieur à un autre quand il fait un moyen de ce qui est un but pour cet autre.
La faute des hommes supérieurs est de dépenser leurs jeunes années à se rendre dignes de la faveur. Pendant qu'ils thésaurisent leur force et la science pour porter sans effort le poids d'une puissance qui les fuit ; les intrigants, riches de mots et dépourvus d'idées, vont et viennent, surprennent les sots, et se logent dans la confiance des demi-niais : les uns étudient, les autres marchent ; les uns sont modestes, les autres hardis ; l'homme de génie tait son orgueil, l'intrigant arbore le sien et doit arriver nécessairement.
L'homme, ne jugeant pas d'instinct, mais par la raison, est supérieur à toutes les créatures, c'est pourquoi il est le roi de l'univers !
Un homme supérieur est une âme de femme dans un corps masculin !
Il y a des gens qui sentent avec leur vanité au lieu de sentir avec leur cœur. Si leurs supérieurs sont bons pour eux, au lieu d'être bien touchés et reconnaissants ils en sont flattés et orgueilleux.
Les gens qui se croient nos supérieurs s'imaginent que la gêne que nous ressentons en leur présence est l'effet d'une crainte respectueuse ; et ce n'est pourtant que de l'ennui qu'ils nous inspirent.
Une multitude d'êtres inférieurs à l'homme prouve une infinité d'êtres supérieurs.
Que de gens vous trouvent prétentieux quand vous vous contentez de leur être supérieur !
Quand tous les hommes sont égaux par la loi, ils veulent aussitôt être supérieurs. L'égalité est insupportable. Elle est d'autant plus désespérante qu'on ne peut en sortir que par le mérite.
L'homme supérieur ne s'enfle pas comme un ballon, d'autant plus qu'il s'élève davantage ; il en diffère aussi en ce qu'il monte seulement du vide dans le plein.
Ras le dentier de ces jeunes loups qui se croient supérieurs à nous parce qu'ils n'ont pas encore commencé à teindre leurs cheveux blancs !
Le chien se montre très supérieur à l'homme lorsque, traité par celui-ci en inférieur, il fait semblant de prendre plaisir comme lui à courir après une baballe.
Pour un esprit supérieur, la vie est un accident qui l'étonne ; il a peine à se bien tirer de cette aventure : les aigles sont de mauvais marcheurs.
Les jugements des supérieurs sont suspects, parce que rarement il leur est donné de voir à découvert dans l'esprit de ceux qui leur obéissent et de ceux qui les craignent.
Les gens médiocres copient servilement. Les esprits supérieurs commencent par imiter, et finissent par servir de modèles.
Le premier hommage que reçoit l'homme supérieur est la haine des sots.
L'universalité des connaissances est nécessaire pour être supérieur dans une partie quelconque.
Les supérieurs peuvent obéir même en commandant, s'ils considèrent que c'est Dieu qui les a mis à la tête des autres, et qui leur commande de leur commander.
Les supérieurs doivent toujours être aussi doux qu'il est possible, et se souvenir que l'on attire plus de mouches avec une cuillerée de miel, qu'avec, cent barils de vinaigre.
Ne pensons point, tandis que nous sommes en cette vie, de pouvoir vivre sans commettre des imperfections ; car il ne se peut, soit que nous soyons supérieurs, soit que nous soyons inférieurs, puisque nous sommes tous hommes, et par conséquent tous imparfaits.
Si nous ne voulons obéir qu'à des supérieurs parfaits, il faut prier Dieu de nous envoyer des saints ou des anges ; car, parmi les hommes, nous n'en trouverons point.
L'obéissance, qui regarde les supérieurs, que Dieu a établis sur nous, est de justice et de nécessité, et se doit rendre avec une intime soumission de notre entendement et de notre volonté.
Le monde ne peut se passer d'hommes cultivés. Dès que les premiers besoins sont satisfaits, les besoins supérieurs se font sentir impérieusement.
L'amour est un maître qui n'a pas de supérieur ; il est le médecin et l'éducateur des âmes, comme il en est l'essence primordiale.
Tout chef pourvu d'une autorité quelconque doit se persuader fortement que les hommes ne sont pas nés pour lui être asservis, mais que le supérieur n'est établi que pour défendre et protéger l'inférieur, de même que le passager n'est pas fait pour le pilote, mais que le pilote est fait pour le passager.
Un brave homme qui a été insulté se trouve tout de suite supérieur à celui qui l'insulte, parce qu'il peut pardonner.
En fréquentant les gens au-dessous de soi, on perd son intelligence ; en fréquentant ses égaux, on reste leur égal ; la fréquentation des hommes supérieurs mène à la supériorité.