Le type libre-penseur est moyen, comme tous les types. Il n'est ni tout à fait intelligent, ni tout à fait stupide. Son intelligence consiste dans un certain sens critique, fort limité, mais assez droit à l'intérieur de ses limites. Sa stupidité, ou plutôt sa bêtise, n'est, le plus souvent, qu'un mélange d'ignorance et d'entêtement ou de fatuité. Ignorance parce que ou il ignore ce qu'il rejette, ou il ignore ce qu'il admet ; sa critique ne porte jamais que sur un côté. En quoi il ressemble singulièrement au croyant.
Les chrétiens aspirent à devenir des saints, et la chose n'est pas facile, la sainteté exige tant de vertus ! ... Les libres- penseurs veulent devenir des idoles, c'est une autre affaire ; les vertus n'y sont pas indispensables, et c'est à peine si on en demande quelque apparence.
Les libres-penseurs ne veulent pas avoir pour père un Dieu créateur, et préfèrent descendre d'un singe ; soit, puisqu'il ne faut pas disputer des goûts, laissons-les à la famille de leur choix ; mais ils devraient bien, par une juste réciprocité, nous permettre d'élever nos enfants dans l'idée d'avoir d'autres parents.
La publication d'un recueil de pensées diverses multiplie le nombre des penseurs comme l'ouverture d'un chemin de fer multiplie le nombre des voyageurs.
Les libres-penseurs, pour assurer la liberté de conscience des incrédules, ont supprimé la liberté des croyants.
L'avidité de la génération actuelle pour ce que les apothicaires appellent des reconstituants marque assez qu'elle a conscience de son affaiblissement organique. Le penseur y voit plutôt un affaiblissement des caractères.
Sentir, penser, agir, sont trois faits qui devraient s'associer harmoniquement, mais qui, par la faute de l'homme, se heurtent, s'opposent, se dissocient. Les fervents de l'art sentent sans penser ni agir ; les tenanciers de l'industrie agissent sans sentir ni penser. Quant au penseur (je ne sais s'il en existe en ces temps d'agio), tenez pour certain qu'il ne sent pas et agit moins encore.
Rechercher ce qu'il y a de général dans le particulier, de nécessaire dans le contingent, de permanent dans le passager, de sacré dans le profane, de divin dans le terrestre, de vie dans la mort. Voilà, au milieu du tumulte en apparence incohérent des êtres et des choses, la tâche du penseur.
Les grands penseurs s'aiment de loin.
Les penseurs gouvernent le monde sans s'en douter, et les puissants sont gouvernés par le monde sans s'en douter davantage.
Les grands penseurs et les hautes montagnes vous élèvent à vos propres yeux.
On n'est pas penseur parce qu'on écrit des pensées.
Le penseur peut mourir intestat, son héritage n'est jamais perdu.
Les penseurs bâtissent avec du granit ; les parleurs avec du sable et des moellons. Les premiers fondent les sociétés, et les seconds les détruisent.
Le penseur est aux autres hommes ce que la locomotive est aux wagons : il conduit au lieu de suivre.
Le mot qui désigne le mieux l'oisiveté du penseur est le mot travail.
Tout fait penser un penseur, tout fait reculer un poltron.
Un libre penseur écrivant la vie d'un saint : un poulailler qui a la prétention de loger un aigle.
Frapper le centre d'un objet, dégager l'essentiel de l'accessoire, simplifier, puis suivre, poursuivre cette pensée, en faire jaillir toutes ses conséquences, c'est l'invention. Le faire rapidement , c'est le génie.
Le penseur est au philosophe ce que le dilettante est à l'artiste. Il joue avec la pensée et lui fait produire une foule de jolies choses de détail, mais il s'inquiète des vérités plus que de la vérité, et l'essentiel de la pensée, sa conséquence, son unité, lui échappe.
Les franc-penseurs sont généralement ceux qui ne pensent jamais.
Le penseur est le littérateur grave, c'est pour cela qu'il est populaire. Le philosophe est un savant spécial (par la forme de sa science, non par le fond), c'est pour cela qu'il ne peut l'être.
Les penseurs servent à éveiller les philosophes ou à les populariser. Ils ont donc une double utilité, outre leur agrément. Ils sont les éclaireurs de l'armée des lecteurs, les docteurs de la foule, les changeurs de la pensée qu'ils monétisent en pièces courantes.
Le penseur qui n'agit pas et le gastronome qui rêve menus au lieu de se mettre à table, ont leurs raisons : l'un manque d'appétit, l'autre de volonté.
Les grandes pensées ne font que les grands penseurs ; en passant dans les actes, elles font les grands hommes.
Chacun sait apprécier l'expérience, surtout le penseur et le philosophe dans sa vieillesse : il sent, avec certitude et satisfaction, que nul ne peut lui ravir ce trésor.
Le penseur est au philosophe ce que le dilettante est à l'artiste. Il joue avec la pensée et lui fait produire une foule de jolies choses de détail, mais il s'inquiète des vérités plus que de la vérité, et l'essentiel de la pensée, sa conséquence, son unité, lui échappe. Il manie agréablement son instrument, mais il ne le possède pas, et encore moins le crée-t-il. C'est un horticulteur et non un géologue, il ne laboure la terre que ce qu'il faut pour lui faire rendre des fleurs et des fruits, il ne la creuse pas assez pour la connaître. En un mot le penseur est un philosophe superficiel, fragmentaire, curieux ; c'est le philosophe littéraire, orateur, causeur, ou écrivain ; le philosophe est le penseur scientifique.
Entre un penseur et un érudit il y a la même différence qu'entre un livre et une table des matières.
On vit avec un penseur comme avec un vivant.
L'esprit anecdotier est odieux à l'esprit philosophique, comme autour du penseur la mouche qui bourdonne.
Le penseur le moins égoïste trouve en lui-même la plus agréable compagnie.
Les grands penseurs politiques, ces prophètes, qui à force de prévoir ne voient plus rien.
Libre penseur - Penseur suffirait.
Tout penseur avare de ses pensées est un penseur de radin.
Le penseur est comme la terre. L'un ne garde pas plus l'ombre des événements que l'autre ne garde l'ombre des nuées.
Mon bien-être, et je l'ai retrouvé aujourd'hui, c'est de sentir vivre en moi l'univers, de voir dans tous les progrès de la science et des arts des progrès personnels, de sentir tous les talents, les hommes comme mes mandataires, mes organes, mes fonctions, de vivre de la vie universelle, et par conséquent de m'oublier moi-même. Je suis objectif et non subjectif, je suis plus contemplateur qu'ambitieux ; comprendre, c'est pour moi le but, et produire n'est qu'une voie pour mieux comprendre. Je suis plus conscience que volonté. Mon vrai nom, c'est penseur.
Les grands penseurs se plaisent à châtier les grands despotes.
Tous les penseurs sont des ratés de l'action.
Rien ne fait souffrir le penseur humanitaire autant que de voir la désastreuse inintelligences des peuples !
Les penseurs ne connaissent la solitude qu'à demi.
La force d'un penseur n'est ni dans son approbation ni dans sa protestation, elle est dans son explication.
Le penseur s'aperçoit vite quand celui qui le suit s'arrête à mi-chemin.
Il est certains penseurs qu'il faut savoir comprendre. Briller aux yeux des sots leur offre peu d'appâts ; ils ne s'ouvrent qu'aux gens qui savent les entendre et n'ont jamais d'esprit pour ceux qui n'en ont pas.
Le penseur a quelquefois des entrevisions vaporeuses de l'Infini qui lui causent plus de jouissances que ses visions absolument nettes du Fini.
On représente tous les hommes de génie regardant le ciel. Le penseur lui, est comme le chercheur d'or, il regarde la terre.