La charité est la digue que le Christ est venu opposer au débordement d'égoïsme qui ravageait le monde. C'est le drapeau à l'ombre duquel il a rassemblé les nations, pour les initier à des mœurs plus douces, à des sentiments plus généreux.
Eugène Sue - Les maximes et pensées diverses (1857)
Ah ! toutes les femmes sont nos mères. Elles savent tout, pour nous, dès que le feu sacré de la charité les embrase.
On doit préférer la charité à toutes les richesses du monde, elle est infiniment plus précieuse que notre vie. C'est elle qui a engagé le Fils de Dieu à mener une vie pauvre et à mourir nu sur une croix ; c'est aussi cette vertu qui nous rend le plus semblables à ce Dieu sauveur.
Le manque de charité vient souvent de l'envie, et l'envie vient de l'orgueil. Quand on se trouve dans cet état, il faut laisser là l'envie pour pratiquer la charité qui lui est contraire.
Il n'y a rien de si amer que la noix verte ; confite, il n'y a rien de plus doux, ni de plus stomacal. La répréhension est âpre de sa nature ; confite dans la douceur et cuite au feu de la charité, elle est toute cordiale, toute aimable et toute délicieuse.
Il faut que l'amour que l'on porte au prochain soit fondé sur le solide fondement de la charité ; car il sera bien plus ferme et constant, que celui qui a son fondement en la chair et au sang, et au respect humain.
Pardonner vaut mieux que mépriser, la charité vaut mieux que la guerre. À la place de la sourde colère ou de l'emportement concentré, mieux vaut le sourire de l'abnégation et le zèle de l'amour. Le dédain et le dépit te rendent inactif, que l'amour désintéressé du bien retrempe ton activité. Rien à cause des hommes, n'attends rien d'eux, mais tout à cause du bien ! — La colère n'accomplit pas la justice de Dieu.
La charité est la vertu elle-même dans sa plus haute manifestation pratique ; elle fait épancher le cœur et les larmes sur la souffrance, et ouvrir la main large et pleine sur les nécessiteux, sans acception de pays, de temps, ni d'opinion.
La charité est la seule vertu dont l'excès ne peut nuire ; il y a sans doute des personnes qui prodiguent sans choix ni discernement d'abondantes aumônes, mais comme ces pluies bienfaisantes qui arrosent en même temps les sables arides et une terre végétale, elles produisent toujours quelque chose de bon.
La charité doit s'épancher dans l'ombre, c'est une fleur dont le jour ternit l'éclat, c'est une mélodie qui se perd dans le bruit discordant de la foule. Il faut qu'elle se glisse comme furtivement jusqu'au grabat où gît le malade, qu'elle aille dans son taudis infect découvrir le pauvre honteux, qu'une aumône secrète surprenne l'indigent au fond de sa retraite.
Quoique la charité et la bienfaisance ne soient jamais mieux placées que quand elles servent à entretenir dans l'amour du travail, à soutenir les restes d'une vie infirme et languissante, à soulager la vertu malheureuse, ou bien à retirer du désordre des personnes que l'indigence ou le libertinage y avait précipitées, on ne doit pourtant pas refuser d'étendre vers les autres malheureux une main généreuse et compatissante. Il ne faut pas même la fermer entièrement à ceux qui d'ailleurs en seraient indignes, lorsqu'ils se trouvent dans une vraie nécessité.
Aimons les autres comme nous-mêmes ; mesurons les autres par nous, estimons leurs peines et leurs jouissances par les nôtres. Quand nous comparerons les autres à nous ; quand nous leur souhaiterons ce que nous désirons pour nous-mêmes ; quand nous craindrons pour eux ce qui fait le sujet de nos propres craintes, alors nous suivrons les lois de la véritable charité.
La charité pardonne tout, elle oublie tout. Elle n'est pas obligée d'être aveugle, mais elle fait taire la voix de la stricte justice, et plaint ceux qui n'entendent pas noblement la vie.
La charité est tout pardon, elle est aussi tout prudence ; elle se proportionne aux autres, elle n'importune pas même à bonne intention, elle est patiente.
Aimer ceux qui souffrent, ceux qui sont faibles, pauvres, humbles, au-dessous de nous, c'est la joie de notre nature, c'est un instinct auquel notre orgueil même n'est pas étranger. Mais ceux qui sont riches, puissants, superbes, qui font autour d'eux trembler et souffrir, ceux-là, ne les point haïr, les aimer, c'est le triomphe, c'est le miracle de la charité catholique.
Le propre de la charité est de toujours regarder devant elle car le nombre de ses bienfaits passés reste tout petit, malgré tout, à côté des misères présentes comme envers celles du futur.
La charité supporte tout, elle fait mieux, elle tend elle-même la main, elle brave les répugnances esthétiques, elle fait taire les antipathies sourdes de la chair et les aversions secrètes du goût ; au lieu de se défendre, elle cherche à faire du bien ; au lieu d'élever une barrière, elle supprime celles qui se forment d'elles-mêmes ; au lieu de voir volontiers ce qui sépare, elle cherche ce qui rapproche ; dans les âmes vulgaires elle regarde à l'âme.