Egaux par la nature, égaux par le malheur, tout mortel est chargé de sa propre douleur.
La douleur est comme la feuille caduque de la tige qui porte le bonheur ; elle meurt dès le matin de la vie éternelle, avant que la plante s'épanouisse et donne tous ses fruits. On peut la comparer encore à la courte préface d'un beau livre, au prélude inquiet et languissant d'une mélodie de Beethoven.
Qui serait maître de son coeur serait vraiment maître de la souffrance ; car, s'il ne dépend pas de nous d'éviter la douleur et le chagrin, il dépend de nous de nous y abandonner ou d'y résister. Quel homme peut changer le monde ? Mais nous pouvons changer nos désirs.
On a beau se récrier, la douleur fait le fond uniforme et mélancolique de la vie. Les joies n'y apparaissent que comme les étoiles d'or qui scintillent, à de longues distances, dans le sombre azur du Ciel.
La douleur nous avertit du désordre physique, le remords du désordre moral. Ce sont d'utiles moniteurs qui nous pressent de rentrer dans l'ordre quand nous avons eu le malheur d'en sortir. Le dégoût, l'horreur du laid nous inspire le goût, la passion du beau. La liberté, d'où naît la possibilité du bien et du mal, explique tout.
La douleur physique ou morale est un salutaire avertissement. Toute peine, dans le sens élevé du mot, est éminemment miséricordieuse.
Il faut pardonner à la douleur comme on pardonne à ses ennemis, et savoir être doux envers la mort, suivant un mot charmant.
La douleur n'est pas faite pour l'homme. Elle l'étonne et l'abat, et il ne lui faut rien moins qu'un Dieu crucifié pour lui faire comprendre la béatitude des larmes.
Est-ce par courage ou par légèreté qu'on recherche la distraction ? — Par courage, quand la douleur veut durer ; par légèreté, quand la douleur veut finir.
Nul ne nous recommande si consciencieusement de prendre soin de notre bien-être que la douleur.
La mélancolie est à la douleur ce que le brouillard est à la pluie.
La solitude, le silence, la nuit, voilà ce qui m'inspire ! l'amour et l'amitié, ce sont là mes tourments ! Dieu, la religion et la foi, voilà ce qui me console ! l'injustice, voilà ma colère ! la mélancolie, voilà mon élément ! la douleur, voilà toute ma vie !
Une famille troublée par le danger subit d'un malade n'a pas le temps de sentir d'abord sa douleur tout entière, parce qu'elle court et s'agite comme l'équipage d'un navire en danger ; mais c'est après la mort qu'un étonnement profond la saisit et une indicible stupeur de voir l'absence de la vie et du mouvement.
Si nuls sanglots ne rappellent à la vie ce qui n'est plus ; si le destin est immuable, à jamais fixe dans ses lois que les plus touchantes misères ne sauraient changer ; si enfin la mort ne lâche point sa proie, cessons une douleur qui serait sans fruit. Soyons donc maîtres et non pas jouets de sa violence. Le pilote est déshonoré, si les flots lui arrachent le gouvernail, s'il abandonne les voiles que se disputent les vents et livre à l'ouragan le navire ; mais au sein même du naufrage, admirons celui que la mer engloutit ferme à son timon et luttant jusqu'au bout.
Quand on est jeune, la douleur est une tempête qui vous rend malade ; dans l'âge mûr, elle n'est qu'une bise qui ajoute une ride à votre figure et une mèche blanche aux autres.
Il y a des gens qui se nourrissent de leur douleur au point qu'ils en engraissent.
Ce qui doit mettre en garde contre l'exagération dans la première phase de la douleur, c'est que toujours, et quoi qu'on fasse, le temps fait baisser le ton.
Une petite fente assourdit la cloche, une grande en augmente la sonorité. Ainsi la douleur sur l'âme !
Comme l'amour, la douleur pénètre toujours plus avant dans le cœur.
La douleur est fière, et rend fier le cœur qu'elle remplit.
La douleur est l'aiguillon de la pensée : l'excès des souffrances se repliant sur elles-mêmes, pousse la réflexion jusque dans ses derniers refuges : Elle considère toutes les faces, combine toutes les possibilités, et portant vers leurs extrêmes, développe en nous des forces, des idées, des ressources, qu'un sort plus propice eût laissées dans l'inaction.
Il y a toujours une douleur cachée au fond de chaque joie mauvaise.
Sois hardi avec la vie, doux avec la douleur, soumis avec la mort.
Dans la joie et dans la douleur, le cœur comme un vase, a sa mesure ; une fois plein, une feuille de rose ou une goutte d'absinthe le feront déborder.
La mélancolie, c'est l'automne de la douleur.
Pleurer en public est le comble de la douleur ou de l'effronterie.
Celui que grandit la douleur trouve son fond de douceur dans son mal, c'est la souffrance dorée.
Il n'est pire douleur qu'un souvenir heureux dans les jours de malheur.
La douleur a quelquefois besoin de rugir, comme la bête féroce : c'est le duel qui commence entre elle et nous.
La douleur a beau nous montrer qu'elle nous aime, nous, nous ne l'aimons pas.
Après une grande douleur, rien ne nous étonne plus, si ce n'est de l'avoir supportée.
La douleur et la joie n'ont qu'un sillon : le cœur.
Dans la douleur, derrière tout ce que nous pouvons dire, il y a tout ce que nous devons taire.
On sort de la douleur comme on sort d'un antre obscur, toujours un peu surpris.
Le courage est la noblesse de la douleur.
L'école de la douleur est celle qui forme les hommes.
Sur la litière de la douleur on fait encore des envieux.
La douleur est comme la noblesse, elle n'accepte de comparaison qu'avec ses pairs.
Chaque douleur que je supporte me laisse dans l'âme un orgueil inconscient dont mon humilité ne rougit pas.
Souffrants, nous avons souvent changé de position dans notre lit de misère, la douleur n'a pas lâché prise.
Mieux vaut avoir des douleurs que des remords?