Chez les vrais poètes, la rime est un cadre d'or ajouté au tableau.
Prenez un poète, et vous aurez peut-être un ver luisant ; prenez un bas bleu, et vous n'aurez qu'une chenille.
Les rêves des poètes sont leur gloire, et la gloire des autres hommes n'est qu'un rêve.
Le poète est un exilé volontaire courant vers un monde plus heureux, plus brillant que celui qu'il quitte.
Les versificateurs se croient des poètes, comme les chefs de bureau se croient des hommes d'Etat.
Beaucoup de bruit, beaucoup d'écume et peu d'eau, voilà une cascade ; des mots sonores, des rimes riches, de pauvres idées, voilà un poète.
On n'essaie pas de faire passer au creuset la bulle de savon dont les reflets chatoyants séduisent le regard, mais qui s'évanouit dès qu'on la touche ; pourquoi donc analyser et commenter les poètes ?
Une fois que des poètes ou des tribuns ont rêvé qu'ils étaient des dieux, c'est en vain que de rudes chocs et des chutes honteuses viennent les éveiller, ils n'en continuent pas moins leurs rêves.
Les poètes cristallisent la pensée, les avocats la liquéfient.
Les gazons livrent leurs fleurs et leurs parfums aux passants et aux oisifs, les sillons ne livrent leurs épis qu'aux travailleurs qui sèment et moissonnent ; les premiers sont l'image des poètes et les seconds l'image des savants.
La plupart des poètes ressemblent aux ouvriers des Gobelins, et ne voient guère que l'envers des tapisseries qu'ils offrent aux regards charmés du public.
Il faut préférer parfois aux poètes les faiseurs de vers. La poésie est ailleurs.
Un poète, c'est un orateur qui écrit ; un orateur, c'est un poète qui parle.
Quand je distribue des chiquenaudes à vos rêves, ô poètes ! est-ce que les miens ne les reçoivent pas en plein visage ? Quand je fais saigner vos illusions, n'est-ce pas le sang des miennes qui coule ?... — Ce n'est pas en vain que j'appartiens comme vous à l'humanité.
Les poètes n'auront jamais assez de fleurs pour couvrir comme d'un voile mystérieux le fond charnel et physiologique de l'amour.
Si les poètes, les artistes, les rêveurs passent leur vie loin de la terrestre fange, à cheval sur les nuages, c'est en vertu de leur légèreté spécifique.
Les grands prosateurs sont presque aussi rares que les grands poètes.
Le poète a d'abord été un initiateur ; aujourd'hui il n'est plus qu'un écho.
Les mauvais poètes font de la langue ce que les mauvais prêtres font de la religion, une prison étroite.
Les deux plus grands poètes, Homère et Shakespeare, ont si bien fait abstraction d'eux-mêmes, qu'on nie leur existence.
Le métier de poète demande son homme tout entier.
Heureux les poètes ! heureux les historiens ! Le passé, la nature, leur apportent la matière de leurs œuvres. Ils ne cherchent pas à exprimer les secrets d'un avenir qui ne s'est pas encore peint dans les événements et dans la vie. C'est une tâche austère de devancer pour ainsi dire la création. Plus heureux que nous, ils trouvent dans le passé et dans la nature la matière de leurs tourments.
Les nouveaux poètes mettent beaucoup d'eau dans leur encre.
Le poète chante les belles femmes, mais il n'aime réellement que les laides, d'où il tire ses pensées les plus brillantes, comme le mineur tire le diamant des sombres entrailles de la terre. Le poète ressemble à Dieu. Il aime ce qu'il crée. Les belles femmes sont toutes faites, bonnes pour les imbéciles et les incapables ; les laides ont besoin d'être recréées par la main magique et puissante du poète.
Le virtuose est inférieur au poète, en cela qu'il a besoin d'un instrument sur lequel il s'exerce depuis longtemps et dont il connaît toutes les qualités et tous les défauts. Le poète, lui, prend la première âme venue sur son passage, ou dans un salon, pour y jouer toutes ses variations improvisées. Il fait plus. Il saute de l'une à l'autre, en tire tout ce qu'elles ont de bon et de doux et les confond dans une harmonie universelle. La causerie avec un homme d'esprit n'est pas autre chose, et de là son charme infini.
Les grands poètes ne lisent guère. Ils dédaignent la lumière en attendant la lune et ils attendent la lune jusqu'au lever du soleil !
Le grand poète est comme l'Océan. Le plongeur y trouve des perles, le barboteur des crabes et des coquillages !
Ce n'est pas par accident que les poètes ont toujours mieux décrit l'enfer que le ciel : la douleur nous est plus familière que la joie.
Le poète le mieux assuré de se survivre dans le souvenir des hommes est celui dont les vers entrent le plus facilement dans la mémoire des enfants.
Le poète est, pour les générations futures, l'écho des voix et des pensées de son temps.
La superstition est la poésie de la vie, aussi ne sied-il pas mal au poète d'être superstitieux.
Le poète a, dans sa vie, des sentiments et des jouissances dont un autre homme n'a pas même l'idée. Mais s'il s'élève un orage et que les éléments soient irrités, l'éclat éblouissant de l'éclair, le puissant rugissement du tonnerre, les sombres nuages qui frangent les rayons du soleil, l'arc-en-ciel qui, après l'orage, s'étend sur le ciel, ne sont-ils pas également d'une beauté majestueuse ? Mais est-ce que celui qui jouit d'un jour pur et serein, soupire après ces grandioses beautés de la nature ?
Les poètes emportent plus de poèmes dans la bière qu'ils n'en laissent en bibliothèque.
Pour les poètes, ces enfants de l'abstraction, le monde réel ne vaut jamais le monde imaginaire.
On n'enlève l'idéal au poète et la perle au coquillage qu'avec la vie.
Ce qui inspire les poètes, ce n'est pas tant ce qu'ils possèdent que ce qui leur manque.
Ne dites point au poète : Vos rêves, vos chimères ! — Car ce que vous appelez ses rêveries c'est un monde réel pour lui.
Que manque-t-il à tel bon poète qui n'a pas créé des œuvres immortelles ? Tout simplement la vie aux champs dans son enfance.
Le prisme qui est dans les yeux du poète donne à toutes choses une beauté supraterrestre.
Un savant est bien moins épris de lui-même qu'un poète ; il a l'habitude de s'humilier en cherchant.
Les mots s'illuminent quand le doigt du poète y fait passer son phosphore.
Un poète, c'est joli quand un siècle a passé, que c'est mort dans la terre et vivant dans les textes.
Nul ne saurait prescrire au poète d'être noble, élevé, moral, pieux et chrétien, d'être ou de n'être pas ceci ou cela, car il est le miroir de l'humanité et lui présente l'image claire et fidèle de ce qu'elle ressent.
Le poète est l'homme universel : tout ce qui a agité le cœur d'un homme, tout ce que la nature humaine, en toutes circonstances, a pu éprouver et produire, tout ce qui habite et fermente dans un être mortel, c'est là son domaine qui s'étend à toute la nature.
Le véritable éloge d'un poète, c'est qu'on retienne ses vers.
Les poètes sont des fous d'avoir donné au fils de Vénus un flambeau, un arc ct un carquois ; la puissance de ce dieu ne réside que dans son bandeau ; tant que l'on aime on ne réfléchit point ; dès que l'on réfléchit, on n'aime plus.
Les poètes, enfants de la liberté, toute leur affaire est d'amuser les oreilles.
Un poète a placé la critique à la porte du temple du goût comme sentinelle des beaux-arts.
Pourquoi l'on envie les poètes ? Parce qu'un peu d'impertinence leur sied bien quelquefois, et que c'est pour nous un supplice dans le monde de n'oser être impertinents.
Le poète est l'homme de la stabilité unilatérale.