Dans le monde moral, comme dans le monde matériel, des accords sublimes sont peut-être moins rares que des échos parfaits ; lorsque de nobles voix, de purs accents viennent à éclater dans la foule, s'aperçoit-on qu'elle les écoute, les imite et les répète ? Je ne sais si on ne réunirait pas plus de sages qu'ils n'auraient de disciples.
Ce qu'on appelle le monde est une volière où les ailes de l'aigle se brisent, et où les ailes de la colombe se salissent.
Le monde est un spectacle dont l'ensemble ne peut être saisi que de loin.
Le monde n'a pas été créé pour l'homme ; au contraire, l'homme est dominé par le monde et par ce qui l'entoure. On peut se représenter le monde sans la présence de l'homme, mais pas l'homme sans le monde.
Nous n'avons plus rien à faire avec le monde d'aujourd'hui ; nous ne pouvons pas nous accommoder et entendre avec lui tel qu'il est : il ne veut pas de nous tels que nous sommes. Il faut se soumettre ou rompre.
On dit que Dieu a fait le monde en six jours ; il aurait bien dû en prendre douze, et le mieux faire.
Il est aussi nécessaire de se frotter au monde qu'il est dangereux de se donner à lui.
Qu'y a-t-il de meilleur en ce monde ? — Les promesses de l'autre monde.
Le monde est une lanterne magique : le Temps, qui la montre, ne cesse de crier : « Parais ! disparais ! » et toutes les figures, comme les spectateurs, lui obéissent.
Le monde est si enfant, il est si facilement dupe, il a tant besoin d'y voir clair, qu'il faut à chaque pas lui crier : Casse-cou !
Le monde, c'est le grand Calvaire que chacun gravit à son tour en portant sa croix. Le monde, c'est la vie pour tous avec ses exigences, ses déceptions et ses douleurs ; c'est cette chose qui, à la minute où j'écris, n'est déjà plus ce qu'elle a été, qui ne sera jamais ce qu'elle devait être ! Le monde c'est le lendemain désenchanté du désir, ou la veille tourmentée de l'attente ; c'est le réveil du rêve, c'est le désespoir de l'espérance. C'est un pauvre monde que ce bas monde ; c'est une grande misère que ce luxe dont on éblouit les yeux pour tromper les cœurs.
Les ans qui passent en ce monde sont autant de pas vers l'autre monde.
Les princes sont élevés à vivre avec tout le monde : on devrait élever tout le monde comme les princes.
Aujourd'hui tout le monde est virtuose, mais il n'y a pas beaucoup plus d'artistes pour cela.
Le monde m'apparaît comme une fantasmagorie colorée, et ma vie individuelle comme un rêve. Je sens que tout est fluide, fugitif et nous échappe, et que j'échappe à moi-même.
Il y a un égal danger à vivre trop exclusivement dans le monde ou dans la retraite ; dans ce dernier cas, on vit trop avec soi-même ; dans le premier, on n'y vit pas assez.
Ce monde est un vaste amphithéâtre où chacun est placé au hasard sur son gradin. On croit que la suprême félicité est dans les degrés d'en haut : quelle erreur !
Le monde extérieur est dur, impitoyable aux faibles, il ne tient presque jamais ses promesses, et l'amour reste la seule chose en laquelle on puisse encore, peut-être, avoir foi.
Ne peut-on pas comparer le monde à un bal où l'on court perpétuellement les uns après les autres pour se connaître. Tant qu'on en reste à s'agacer, on se plaît. Si l'on se démasque, on se quitte ; et ces moments donnés à l'erreur, le philosophe les passe dans le repos.
Le monde, où croire est de mode, est une grande école d'incrédulité.
Le monde est la mieux approvisionnée des scènes : comédies et drames n'y font jamais relâche.
Le monde nous traite tous comme des comédiens : il ne se soucie pas de nos sentiments, il nous voit et nous juge dans notre rôle.
Le monde n'est bien connu ni des solitaires, ni des mondains ; c'est un tableau qu'il ne faut voir ni de trop loin ni de trop près.
On peut dire du monde tout le mal qu'on voudra ; il ne subsiste que par le bien qui est en lui.
Il n'y a pas de clef pour ouvrir le monde.
Pourquoi voyage-t-on tant aujourd'hui ? Peut-être parce que les hommes se disent qu'il faut se déplacer pour voir ce qu'il reste du monde d'autrefois.
Le monde est un gigantesque mensonge, une espèce de parade de marionnettes actionnées dans la coulisse par des personnages tout-puissants et mystérieux.
Le monde est l'école des grands enfants qui d'ailleurs sont rarement sages.
Le monde est une boule entre les mains du jeune amour, il la tourne et ballotte en tous sens.
Le monde perd à être approfondi, il n'a de riant que la surface et le premier coup d'œil.
On ne peut pas vivre pour tout le monde, surtout pour ceux avec lesquels on ne voudrait pas vivre.
Le monde est une cloche qui a une fente ; elle fait du bruit, mais elle ne sonne pas.
Que l'on mette au bout du monde, deux auteurs, deux femmes, ou deux dévots, il y en aura un qui fera quelque niche à l'autre.
Le monde est une grande comédie où l'on trouve dix Tartuffes pour un Molière.
Le monde est une école d'inquisition.
Le monde est un vaste temple dédié à la discorde.
Le monde moral et politique, comme le monde physique, n'a plus ni printemps ni automne. On ne voit qu'opinions qui glacent, ou opinions qui brûlent.
Le monde est plus séduisant par les charmes qu'il promet qu'il ne l'est par les faveurs réelles qu'il accorde.
Le monde où je vis n'est pas le mien, et je ne comprends rien à la société qui m'entoure.
Le monde rit toujours de ce qui lui arrive de tragique. C'est seulement ainsi qu'il est capable de le supporter. Dès lors, tout ce que le monde a traité sérieusement appartient au côté comique des choses.
Le monde n'est qu'un sépulcre blanchi où s'amassent la corruption et la pourriture.
Les enfants ne s'interrogent pas sur le monde dans lequel ils sont jetés. Ils ne le discutent pas. Ils l'acceptent en bloc, comme une chose donnée, avec le bon et le mauvais. Ils se modèlent sur lui, s'adaptent à lui, se débrouillent avec lui, en se servant des armes qu'ils possèdent. Et c'est très bien ainsi : il faut que le monde leur résiste pour qu'ils puissent s'appuyer dessus.
Ce monde de mièvreries et d'apparences me fait l'effet vide et faux ; il ressemble à la vraie société humaine comme le chrysocal ressemble à l'or. Je rends très volontiers hommage à toutes les supériorités réelles, à la distinction des manières, à l'esprit, à la beauté, au savoir, au talent, à la grâce et à la bonté. Mais cette disproportion est plutôt redoutée qu'aimée dans le monde.
De toutes parts, le vieux monde s'écroule ; de toutes parts, le nouveau monde s'élève. L'un entre au tombeau ; l'autre sort du berceau.
Le monde, dans ses combinaisons, est moins varié qu'il ne le paraît : les mêmes fruits sont portés chaque année par les mêmes arbres ; les mêmes conséquences sont ramenées par les mêmes causes ; les mêmes expiations rappellent les mêmes fautes.
Le monde me paraît une grande farce dont on ne peut mieux faire que de rire.
Dans le monde moderne et dans toutes les activités, on ne compte plus le nombre de mégalomanes qui se posent, sans aucune aide, la couronne de laurier du meilleur sur la tête.
Je voulais voir le monde, qui est riche, divers, amusant, fertile en bonnes surprises. Ou plutôt je voulais savoir ce que j'allais tirer de moi pour en faire cadeau au monde.
Le monde est aux convoiteux, les contemplateurs sont faits pour être bafoués et bousculés.
Le monde, aujourd'hui, vaut encore la peine d'être vu ; mais hâtez-vous de le parcourir, voyagez, car le monde se transforme et bientôt il aura perdu son originalité.
Le monde est la proie des parasites, des paresseux, des fainéants et des flemmards.
Le monde n'est qu'une maison de santé dont les pensionnaires s'estiment tous valides.
Le monde se lasse facilement de ceux qui ont commencé à se lasser de lui.
Le monde est un pèlerinage bien dangereux pour ceux qui aspirent à l'éternité.
Le monde fait notre compte, addition et soustraction, sans que nous l'en priions.
Les mondes s'éclipsent devant ce mot : l'Infini.
Le monde sera toujours étonné qu'on se passe de lui.
Le monde devient chaque jour plus hostile, le contact des êtres plus décevant.
Le monde est impitoyable, surtout à ceux-là qui le craignent.
Une des bonnes jouissances d'Adam : avoir pensé dans un monde tout neuf et tout silencieux.
Le monde vous aime ? Tant pis. Craignez que ce ne soit par la conformité que vous avez avec lui.
Le monde le plus restreint est celui des sages, si sages il y a.
Le monde est trop triste et trop dégoûtant pour nous plaire et pour nous séduire.
Qui a dessein de piper le monde est assuré de trouver des gens qui seront bien aises d'être pipés.
La chose la plus difficile dans ce monde, c'est d'y vivre.
Le monde est une boule que Dieu fait rouler : elle ne roule pas toujours bien, mais elle roule et roulera toujours. L'homme naît, vit et meurt, il n'est que de passage, et le monde tourne, et tournera toujours.
Il faut prendre le monde tel qu'il est, dit-on ! Qui n'a pas entendu ce propos de la bouche des sots ? Et il est fait pour eux. Certainement, il faut prendre le monde tel qu'il est, puisque nous ne pouvons ni le changer ni le quitter ; mais comme on accepte un dîner suspect, à la condition tacite de ne pas toucher à tous les plats qui sont sur la table.
Quittez le monde avant que le monde ne vous quitte.
Le monde n'aime pas qu'on le dérange dans ses opinions.
Ce pauvre monde est ainsi fait qu'il est bien difficile d'avaler un verre de vin où il n'y ait pas une mouche. Quand le vin est bon et que la mouche n'est pas trop grosse, il faut boire.
Quittez le monde avant que le monde ne vous quitte?